L'Alchimiste Automnal
L'organe poumon, équivalent à de l'automne, premier ministre
du cœur souverain aimerait davantage faire connaître son savoir-faire
alchimique, en cette époque des essoufflements en tout genre à force de courir
après du non-sens, d'intoxiquer les enfants à hauteur des pots d'échappement,
de sniffer n'importe quelle fumée aliénante pour se donner l'impression
d'exister, au profit des créateurs de dépendances, de vivre dans des
« ambiances climatisées » ventilant ainsi toutes sortes de
bronchites... Après la totoche qui empêche de crier... et de dire, l'objet à la
mode, pourrait bien être le masque filtrant que porte déjà certaines
populations.
La force du chi, issue du poumon, de
l'alternance de l'inspire et de l'expire fonde un des concepts essentiels de la
philosophie Taoïste mais aussi yogi ayurvédique, comme une nourriture
nécessaire et indispensable à l'évolution de la conscience, à l'alchimie des
connexions neuronales, au simple développement de la personne et donc de
l'humanité. La force de vie, du mouvement, vient de là. Le taux de fumée, de
gaz divers, considéré par certains comme l'évaluation d'un progrès économique
moderne, pourrait signer en fait la récession de l'intelligence et des
consciences. Non content de détruire les capacités respiratoires en accélérant
les cadences, on détruit les forêts, poumons de la terre, nécessaire à
l'absorption du gaz carbonique. Reconnaître l'importance du poumon peut
redonner vie à une nouvelle conscience responsable.
La leçon de la fluidité des échanges.
C'est au sein des poumons que se produit
l'apport d'oxygène et l'élimination du gaz carbonique, qui va à son tour
nourrir la photosynthèse des plantes. La fluidité naturelle, involontaire,
instinctive entre les inspires et les expires nous montre comment, dans la
multiplicité des alvéoles, se font les échanges et à cet instar, comment il
pourrait en être ainsi dans l'idéal des relations, dans la nature, et dans les
activités humaines. Le tempo régulier de la respiration rend les situations
fluides. La volonté n'intervient que pour donner de la densité à la force
fluide. Tous les exercices de respiration ne sont là que pour donner de la
consistance à la puissance du chi, dans son intention de guérison ou de combat
guerrier, dans le transport de cette énergie ou la mise en forme de la
créativité. Toutes les gammes de respirations nous indiquent le chemin à suivre
pour la transformation et la gestion des émotions. Car c'est bien par la
respiration volontaire que l'on peut acquérir une certaine maîtrise des
émotions, donner une humanité et du sens aux débordements des démons intérieurs
ou des jungles extérieures. L'apaisement du mental s'obtient également par
l'apaisement, l'approfondissement et la régulation de la respiration, parce
qu'elle nourrit directement le sang. Le poumon responsable gestionnaire du
transport du chi et des liquides dans le corps va nous aider à nourrir chaque
petite cellule et contourner les obstacles pour aller jusqu'au bout de nos
projets. Le poumon, comme tous les transporteurs de fluides ou d'énergies,
routiers, marins, fluviaux, ferroviaires ou aériens, facteurs ou autres liens
de communication compris, ont tous le même sens de leur travail : assumer leur
fonction dans la discrétion, rigueur, régularité, responsabilité, ténacité et
courage... naturellement. Mais ils savent se faire entendre dès qu'ils sont
considérés comme une quantité ou qualité négligeable, parce qu'ils sont
indispensables au corps social. Aucun n'aime les bouchons, mais ils savent
bloquer toute l'énergie d'un pays jusqu'à l'étouffement quand eux-mêmes
suffoquent. Le corps humain et le corps social suivent la même logique.
L'intérieur et
l'extérieur s'influencent,
La subtilité du flaire de l'inspire par
le nez, et de l'expire par la bouche donne un moyen de connaissance spécifique
des êtres et des choses, au-delà de l'intellect : « ça se sent »
comme un parfum. Les odeurs nous préviennent des dangers comme elles nous
attirent vers ce qui nous convient d'une manière instinctive. L'air extérieur
se mélange sans frontières apparentes à l'air intérieur. Mais des filtres
remplissent leur programmation sélective. La cage thoracique nous rappelle
également les limites de notre capacité respiratoire, l'illimité, la toute
puissance physique, psychologique, intellectuelle n'est pas ce qui convient à
notre réalité d'humain. Par contre, l'espace entre chaque côte nous inviterait
à reconsidérer tous les possibles, malgré les contraintes. La dilatation et la
contraction des côtes tentent de se synchroniser aux battements du cœur, pour
créer une harmonie, le souverain (cœur) et le premier ministre (poumon) se
doivent de faire vivre une complicité cohérente. La peau également liée au
poumon, nous rappelle que l'intégration de l'extérieur ne peut se faire au
détriment de la vie intérieure, que la communication de l'intérieur, de notre
identité ainsi protégée, vers
l'extérieur ne peut se faire qu'en prenant des précautions de la juste parole,
du juste souffle faute de quoi l'asthme ou l'eczéma prendront le pouvoir. Cela
s'apprend, mais pas dans des écoles où la compétition pour être un relatif
« premier » en ingérant des « dopings » n'est en fait
qu'une école d'épuisement des souffles. L'intérieur et l'extérieur dans la
respiration se respectent, les relations intimes et les relations extérieures
devraient s'en inspirer.
Sens de la séparation
L'esprit du poumon va du haut vers le
bas. L'instant, l'inspire, l'instinct, flaire le subtil pour diriger la
transformation de la matière en une nouvelle réalité, pour alimenter le
chaudron inférieur, comme une ouverture d'aération sous une plaque de cheminée,
ce qui donnera une autre forme de chi. Celui-ci sera dirigé à nouveau vers le
haut de la colonne vertébrale. Les feuilles d'automne, les écorces des arbres,
la pluie tombent au bon moment pour redonner du composte à la terre, qui va
nourrir les racines et la sève va remonter au cœur de l'arbre. Tout ce qui,
dans notre vie, séparations, deuils, déracinements, détachements, changements
brusques, s'apparente à la chute des feuilles et peut donner le sentiment d'une
perte, d'une régression, d'une tristesse d'un non-accomplissement est une
situation normale, nécessaire, comme la mue d'une vieille peau. De plus
l'énergie va devoir traverser, avec un effort de plus en plus subtile, la
porte- filtre du diaphragme pour se mélanger à la matière, avec la rencontre de
tous les spasmes de digestion et de gestion du dit. Comme si, ce sas, nous
invitait à exercer de plus en plus de finesse quand on s'approche de la matière
épaisse ou des discours bruts. Pourtant cette sorte d'affaissement, d'humble
abaissement, de détachement pour se fondre dans la terre-matière du gros
intestin, n'est que saisonnier et donc passagère. Cette chute d'énergie est
nécessaire. La construction de l'identité doit passer par cette épreuve de
« cuisson » qu'est ce mélange des énergies dans la confrontation aux
autres. Transition indispensable pour grandir. La tristesse de la séparation
devient pathologique quand cette lamentation perdure, prenant ainsi le pouvoir
sur l'intelligence, le raisonnement qui permettrait de l'intégrer, la
comprendre, la modifier. On peut se poser la question, des complaisances des
plaintes en psychanalyse qui dure « plusieurs automnes » sans
accepter qu'il y ait d'autres saisons ?
Entre le premier
souffle et le dernier soupir,
l'arbitrage du souverain.
Le premier et le dernier souffle sont
les deux pôles de la vie terrestre. Le premier souffle est évidemment la
première séparation d'avec la mère et le dernier soupir la séparation d'avec la
matrice humaine. Le poumon est donc intimement lié à la mère. La mère quand
elle transmet le premier souffle, transmet aussi le message du dernier. Le
poumon garde l'héritage de la mère, comme le foie l'héritage du père. Le poumon
et le foie assument, en quelque sorte, les inconvénients de l'avantage de cet
héritage. Et font revivre, comme le couple parental, leurs chamailleries, leurs
fidèles conflits. L'un voulant descendre l'énergie, l'autre voulant la monter ;
l'un voulant faire descendre la pluie et les larmes, quand l'autre veut faire
monter la sève et l'insouciance printanière. Entre vouloir calmer l'énergie du
foie ou, bien la diriger, par son bon conseil, ce qui est sa fonction
singulière, son côté Yin, et l'annihiler, lui « pomper de l'air » le poumon
prend quelques fois ses aises. L'organe poumon aurait une fâcheuse tendance à
laminer toute velléité de progression, jusqu'à la dépression. C'est comme si
intérieurement le poumon favorisait un travail de sape, avec un regard
nostalgique sur ses liens et attachements du passé, voulant entraîner avec lui
la créativité du foie et son regard vers l'avenir. D'où souvent un conflit
provoquant le doute de la créativité. D'autant qu'avec son idée de
surprotection, voire de limitations, par un feuillage surabondant, ce poumon
pousserait bien son énergie, comme une mère abusive à étouffer toutes les
petites plantes, toutes les promesses de vie en dessous de lui. Voulant assurer
et assumer sa présence dans les moindres parcelles, il s'infiltre partout, d'où
son esprit d'intrusion jusqu'à vouloir tout contrôler sans octroyer l'air
suffisant à son partenaire « foie » qui, lui, veut toujours aller de
l'avant, au-delà des limites imposées. Le poumon pourrait même s'enorgueillir
d'être au-dessus du foie, et d'être le plus proche du souverain, pour
revendiquer le bien fondé de son travail de régression. Rester assis sur ses
acquis et avancer en créant ne font pas forcément bon ménage.
De plus la
personne humaine, même autonome, en intégrant l'esprit de la mère, intègre
aussi sa dimension de la fin de vie, de là, à vouloir précipiter la saison
d'automne avant son heure pour la confondre dans la froidure de la mort, il n'y
a qu'un pas que certains suicidaires franchissent.
Mais le
poumon doit comprendre la force du foie pour l'accompagner et non la diminuer.
Il doit intégrer sa discipline respiratoire d'une manière quotidienne, non pas
seulement instinctivement mais intelligemment, méthodiquement et
volontairement. Ce n'est qu'à cette condition qu'il trouvera le courage, sa
qualité fondamentale, son Yang, qui lui fera déplacer des montagnes, qu'il
transmettra partout, à l'intérieur comme à l'extérieur, le chi dont il est le
garant. In fine, il doit comprendre, que c'est le cœur, le souverain, le shen,
et son profond désir d'identité et d'existence, qui prévaut et qui va
l'orienter. Le conflit entre foie et poumon ne peut se résoudre que lorsque le
cœur souverain rappelle à l'ordre ses deux serviteurs, dont la responsabilité
de l'un est d'alimenter l'énergie et de l'autre, celle de renouveler le sang.
C'est dans
ce même esprit que l'on peut comprendre, la nécessaire séparation de la mère
protectrice (poumon) et de l'enfant (foie) qui croît, comme indubitablement
vital. Si la mère veut obliger son enfant à rester bébé en le gardant attaché à
elle et si celui-ci ne veut pas grandir sans prendre son autonomie, l'un et
l'autre ont apparemment intérêt à ce que cela dure, mais la mort prématurée de
ces deux êtres est assurée. La fusion n'apportera que la confusion des
identités, on ne saura plus qui de la
plante grimpante ou de l'arbre descendant, tient l'autre, l'atmosphère devient
irrespirable. Le courage d'une nette séparation, d'une distance pour prendre
l'air, sans doute après une intervention du père, va permettre la césure, la
clarification du rôle et de la fonction de chacun, leur donnera la permission
mutuelle de vivre d'une manière autonome. Faute de quoi la cigarette ou autre
drogue viendra, tel un médicament, calmer une angoisse de séparation ou autre
frustration d'un sein. Si elle écoutait son vrai cœur et celui de son enfant,
dans la rencontre des deux consciences, des deux shen, l'erreur de la mère
n'aurait pas lieu.
L'intuition du
poumon.
Quand le poumon reste en contact avec sa
propre intuition, quand il sait rester au service du souverain-coeur, il
connaît parfaitement les besoins
fondamentaux de ce dernier. A sa demande de respect de soi, le poumon répondra
volontiers par le respect de la fatigue pour récupérer, du rythme pour assurer
le tempo, de la fluidité pour garantir l'écoulement de l'énergie et des
liquides. Il ne confondra pas chute temporaire, éphémère et nécessaire avec
régression, dépression par des lamentations et des plaintes sans fin.
Foncièrement épris de liberté parce qu'il connaît les limites de
l'emprisonnement, il aspire à prendre de la hauteur dans tous les débats. Les
sports de glisses, voltigeurs et autres montagnards hors pistes le suivront en
messagers symboliques. Sa discipline enrichira son courage naturel et
alimentera non seulement sa propre force mais également celle de tout son
corps. Son refus de l'étouffement, « du manque d'air », de
l'intoxication informative, aérienne, volatile réveille son instinct défensif à
la première alerte, et réagit soudainement par l'attaque ou par la fuite.
L'oxygénation du cerveau sera sa propre gratification spirituelle par de
nouveaux états de consciences. L'élévation personnelle et sociale passe par le
respect du poumon.