mardi 16 octobre 2018

Alchimie Autonale



L'Alchimiste Automnal



L'organe poumon,  équivalent à de l'automne, premier ministre du cœur souverain aimerait davantage faire connaître son savoir-faire alchimique, en cette époque des essoufflements en tout genre à force de courir après du non-sens, d'intoxiquer les enfants à hauteur des pots d'échappement, de sniffer n'importe quelle fumée aliénante pour se donner l'impression d'exister, au profit des créateurs de dépendances, de vivre dans des « ambiances climatisées » ventilant ainsi toutes sortes de bronchites... Après la totoche qui empêche de crier... et de dire, l'objet à la mode, pourrait bien être le masque filtrant que porte déjà certaines populations.

La force du chi, issue du poumon, de l'alternance de l'inspire et de l'expire fonde un des concepts essentiels de la philosophie Taoïste mais aussi yogi ayurvédique, comme une nourriture nécessaire et indispensable à l'évolution de la conscience, à l'alchimie des connexions neuronales, au simple développement de la personne et donc de l'humanité. La force de vie, du mouvement, vient de là. Le taux de fumée, de gaz divers, considéré par certains comme l'évaluation d'un progrès économique moderne, pourrait signer en fait la récession de l'intelligence et des consciences. Non content de détruire les capacités respiratoires en accélérant les cadences, on détruit les forêts, poumons de la terre, nécessaire à l'absorption du gaz carbonique. Reconnaître l'importance du poumon peut redonner vie à une nouvelle conscience responsable.



La leçon de la fluidité  des échanges.
C'est au sein des poumons que se produit l'apport d'oxygène et l'élimination du gaz carbonique, qui va à son tour nourrir la photosynthèse des plantes. La fluidité naturelle, involontaire, instinctive entre les inspires et les expires nous montre comment, dans la multiplicité des alvéoles, se font les échanges et à cet instar, comment il pourrait en être ainsi dans l'idéal des relations, dans la nature, et dans les activités humaines. Le tempo régulier de la respiration rend les situations fluides. La volonté n'intervient que pour donner de la densité à la force fluide. Tous les exercices de respiration ne sont là que pour donner de la consistance à la puissance du chi, dans son intention de guérison ou de combat guerrier, dans le transport de cette énergie ou la mise en forme de la créativité. Toutes les gammes de respirations nous indiquent le chemin à suivre pour la transformation et la gestion des émotions. Car c'est bien par la respiration volontaire que l'on peut acquérir une certaine maîtrise des émotions, donner une humanité et du sens aux débordements des démons intérieurs ou des jungles extérieures. L'apaisement du mental s'obtient également par l'apaisement, l'approfondissement et la régulation de la respiration, parce qu'elle nourrit directement le sang. Le poumon responsable gestionnaire du transport du chi et des liquides dans le corps va nous aider à nourrir chaque petite cellule et contourner les obstacles pour aller jusqu'au bout de nos projets. Le poumon, comme tous les transporteurs de fluides ou d'énergies, routiers, marins, fluviaux, ferroviaires ou aériens, facteurs ou autres liens de communication compris, ont tous le même sens de leur travail : assumer leur fonction dans la discrétion, rigueur, régularité, responsabilité, ténacité et courage... naturellement. Mais ils savent se faire entendre dès qu'ils sont considérés comme une quantité ou qualité négligeable, parce qu'ils sont indispensables au corps social. Aucun n'aime les bouchons, mais ils savent bloquer toute l'énergie d'un pays jusqu'à l'étouffement quand eux-mêmes suffoquent. Le corps humain et le corps social suivent la même logique.



L'intérieur et l'extérieur s'influencent,
La subtilité du flaire de l'inspire par le nez, et de l'expire par la bouche donne un moyen de connaissance spécifique des êtres et des choses, au-delà de l'intellect : « ça se sent » comme un parfum. Les odeurs nous préviennent des dangers comme elles nous attirent vers ce qui nous convient d'une manière instinctive. L'air extérieur se mélange sans frontières apparentes à l'air intérieur. Mais des filtres remplissent leur programmation sélective. La cage thoracique nous rappelle également les limites de notre capacité respiratoire, l'illimité, la toute puissance physique, psychologique, intellectuelle n'est pas ce qui convient à notre réalité d'humain. Par contre, l'espace entre chaque côte nous inviterait à reconsidérer tous les possibles, malgré les contraintes. La dilatation et la contraction des côtes tentent de se synchroniser aux battements du cœur, pour créer une harmonie, le souverain (cœur) et le premier ministre (poumon) se doivent de faire vivre une complicité cohérente. La peau également liée au poumon, nous rappelle que l'intégration de l'extérieur ne peut se faire au détriment de la vie intérieure, que la communication de l'intérieur, de notre identité ainsi protégée,  vers l'extérieur ne peut se faire qu'en prenant des précautions de la juste parole, du juste souffle faute de quoi l'asthme ou l'eczéma prendront le pouvoir. Cela s'apprend, mais pas dans des écoles où la compétition pour être un relatif « premier » en ingérant des « dopings » n'est en fait qu'une école d'épuisement des souffles. L'intérieur et l'extérieur dans la respiration se respectent, les relations intimes et les relations extérieures devraient s'en inspirer.



Sens de la séparation
L'esprit du poumon va du haut vers le bas. L'instant, l'inspire, l'instinct, flaire le subtil pour diriger la transformation de la matière en une nouvelle réalité, pour alimenter le chaudron inférieur, comme une ouverture d'aération sous une plaque de cheminée, ce qui donnera une autre forme de chi. Celui-ci sera dirigé à nouveau vers le haut de la colonne vertébrale. Les feuilles d'automne, les écorces des arbres, la pluie tombent au bon moment pour redonner du composte à la terre, qui va nourrir les racines et la sève va remonter au cœur de l'arbre. Tout ce qui, dans notre vie, séparations, deuils, déracinements, détachements, changements brusques, s'apparente à la chute des feuilles et peut donner le sentiment d'une perte, d'une régression, d'une tristesse d'un non-accomplissement est une situation normale, nécessaire, comme la mue d'une vieille peau. De plus l'énergie va devoir traverser, avec un effort de plus en plus subtile, la porte- filtre du diaphragme pour se mélanger à la matière, avec la rencontre de tous les spasmes de digestion et de gestion du dit. Comme si, ce sas, nous invitait à exercer de plus en plus de finesse quand on s'approche de la matière épaisse ou des discours bruts. Pourtant cette sorte d'affaissement, d'humble abaissement, de détachement pour se fondre dans la terre-matière du gros intestin, n'est que saisonnier et donc passagère. Cette chute d'énergie est nécessaire. La construction de l'identité doit passer par cette épreuve de « cuisson » qu'est ce mélange des énergies dans la confrontation aux autres. Transition indispensable pour grandir. La tristesse de la séparation devient pathologique quand cette lamentation perdure, prenant ainsi le pouvoir sur l'intelligence, le raisonnement qui permettrait de l'intégrer, la comprendre, la modifier. On peut se poser la question, des complaisances des plaintes en psychanalyse qui dure « plusieurs automnes » sans accepter qu'il y ait d'autres saisons ?



Entre le premier souffle et le dernier  soupir, l'arbitrage du souverain.
Le premier et le dernier souffle sont les deux pôles de la vie terrestre. Le premier souffle est évidemment la première séparation d'avec la mère et le dernier soupir la séparation d'avec la matrice humaine. Le poumon est donc intimement lié à la mère. La mère quand elle transmet le premier souffle, transmet aussi le message du dernier. Le poumon garde l'héritage de la mère, comme le foie l'héritage du père. Le poumon et le foie assument, en quelque sorte, les inconvénients de l'avantage de cet héritage. Et font revivre, comme le couple parental, leurs chamailleries, leurs fidèles conflits. L'un voulant descendre l'énergie, l'autre voulant la monter ; l'un voulant faire descendre la pluie et les larmes, quand l'autre veut faire monter la sève et l'insouciance printanière. Entre vouloir calmer l'énergie du foie ou, bien la diriger, par son bon conseil, ce qui est sa fonction singulière, son côté Yin, et l'annihiler, lui « pomper de l'air » le poumon prend quelques fois ses aises. L'organe poumon aurait une fâcheuse tendance à laminer toute velléité de progression, jusqu'à la dépression. C'est comme si intérieurement le poumon favorisait un travail de sape, avec un regard nostalgique sur ses liens et attachements du passé, voulant entraîner avec lui la créativité du foie et son regard vers l'avenir. D'où souvent un conflit provoquant le doute de la créativité. D'autant qu'avec son idée de surprotection, voire de limitations, par un feuillage surabondant, ce poumon pousserait bien son énergie, comme une mère abusive à étouffer toutes les petites plantes, toutes les promesses de vie en dessous de lui. Voulant assurer et assumer sa présence dans les moindres parcelles, il s'infiltre partout, d'où son esprit d'intrusion jusqu'à vouloir tout contrôler sans octroyer l'air suffisant à son partenaire « foie » qui, lui, veut toujours aller de l'avant, au-delà des limites imposées. Le poumon pourrait même s'enorgueillir d'être au-dessus du foie, et d'être le plus proche du souverain, pour revendiquer le bien fondé de son travail de régression. Rester assis sur ses acquis et avancer en créant ne font pas forcément bon ménage.
De plus la personne humaine, même autonome, en intégrant l'esprit de la mère, intègre aussi sa dimension de la fin de vie, de là, à vouloir précipiter la saison d'automne avant son heure pour la confondre dans la froidure de la mort, il n'y a qu'un pas que certains suicidaires franchissent.
Mais le poumon doit comprendre la force du foie pour l'accompagner et non la diminuer. Il doit intégrer sa discipline respiratoire d'une manière quotidienne, non pas seulement instinctivement mais intelligemment, méthodiquement et volontairement. Ce n'est qu'à cette condition qu'il trouvera le courage, sa qualité fondamentale, son Yang, qui lui fera déplacer des montagnes, qu'il transmettra partout, à l'intérieur comme à l'extérieur, le chi dont il est le garant. In fine, il doit comprendre, que c'est le cœur, le souverain, le shen, et son profond désir d'identité et d'existence, qui prévaut et qui va l'orienter. Le conflit entre foie et poumon ne peut se résoudre que lorsque le cœur souverain rappelle à l'ordre ses deux serviteurs, dont la responsabilité de l'un est d'alimenter l'énergie et de l'autre, celle de renouveler le sang.

C'est dans ce même esprit que l'on peut comprendre, la nécessaire séparation de la mère protectrice (poumon) et de l'enfant (foie) qui croît, comme indubitablement vital. Si la mère veut obliger son enfant à rester bébé en le gardant attaché à elle et si celui-ci ne veut pas grandir sans prendre son autonomie, l'un et l'autre ont apparemment intérêt à ce que cela dure, mais la mort prématurée de ces deux êtres est assurée. La fusion n'apportera que la confusion des identités, on ne saura plus qui de  la plante grimpante ou de l'arbre descendant, tient l'autre, l'atmosphère devient irrespirable. Le courage d'une nette séparation, d'une distance pour prendre l'air, sans doute après une intervention du père, va permettre la césure, la clarification du rôle et de la fonction de chacun, leur donnera la permission mutuelle de vivre d'une manière autonome. Faute de quoi la cigarette ou autre drogue viendra, tel un médicament, calmer une angoisse de séparation ou autre frustration d'un sein. Si elle écoutait son vrai cœur et celui de son enfant, dans la rencontre des deux consciences, des deux shen, l'erreur de la mère n'aurait pas lieu.



L'intuition du poumon.
Quand le poumon reste en contact avec sa propre intuition, quand il sait rester au service du souverain-coeur, il connaît  parfaitement les besoins fondamentaux de ce dernier. A sa demande de respect de soi, le poumon répondra volontiers par le respect de la fatigue pour récupérer, du rythme pour assurer le tempo, de la fluidité pour garantir l'écoulement de l'énergie et des liquides. Il ne confondra pas chute temporaire, éphémère et nécessaire avec régression, dépression par des lamentations et des plaintes sans fin. Foncièrement épris de liberté parce qu'il connaît les limites de l'emprisonnement, il aspire à prendre de la hauteur dans tous les débats. Les sports de glisses, voltigeurs et autres montagnards hors pistes le suivront en messagers symboliques. Sa discipline enrichira son courage naturel et alimentera non seulement sa propre force mais également celle de tout son corps. Son refus de l'étouffement, « du manque d'air », de l'intoxication informative, aérienne, volatile réveille son instinct défensif à la première alerte, et réagit soudainement par l'attaque ou par la fuite. L'oxygénation du cerveau sera sa propre gratification spirituelle par de nouveaux états de consciences. L'élévation personnelle et sociale passe par le respect du poumon.