ESPACE DU TAO
En ces moments où nous pourrions
« perdre le sens du nord, ou le bon sens», dans ces actualités
perturbantes, je me réfère à la pensée Taoïste, porteuse d’espoir, sous quelque
latitude que ce soit. Que peut apporter le Tao comme lecture, pour un peu de recul et de hauteur, par l’entremise du Yin
Yan ?
Dans le TAO, promu par la pensée
chinoise, tout être humain, événement, phénomène, situation, action, relation,
interactions et bien évidemment le corps de chaque individu, etc.… tout sans exception,
se compose en Yin Yang, deux forces en perpétuel mouvement. Dans l’apparence
simple de cette formule, se cache à mon sens une complexité. En
occident, quand on parle du yin-yang, nous avons la fâcheuse tendance à voir le
monde, les événements, nos relations en
mode binaire blanc-noir, fort-faible, bon-mauvais et surtout à lire la force
Yin comme inférieure, voire négligeable. Ceci prête à une grande confusion, et conduit
à des dérives dommageables, faute de saisir toutes les nuances, dans cette fausse
interprétation très réductrice. Dans le
langage Taoïste, Yin-Yang ne sont pas séparés, il s’agit d’un seul mot, d’un
seul élément depuis le big-bang originel,
deux forces en fusion. Ces deux forces binaires n’ont pas la forme de la séparation,
de la dualité, l’un dépend de l’autre et se nourrissent de façon complémentaire; du couple éclot la
créativité. Une autre notion apparait,
du fait de ces deux forces en présence, tout est en mouvement, constant. Dès
que le yang prend de l’importance, le yin se fait jour et inversement. Le Yang
ne peut exister seul, le Yin ne peut exister seul. La transformation du Yin
vers le Yang et du Yang vers le Yin sont constant. Le Yin s’introduit là où le Yang se manifeste,
le Yang s’introduit dès l’apparition du Yin. Il nous faut comprendre qu’il
s’agit d’un Mouvement en continuum
vers une Harmonie, dans une danse de
l’une à l’autre force, un peu à l’image de la marche d’un pas après l’autre, un
Equilibre en situation de mouvement. Mouvement et Harmonie coexistent. L’être
humain baigne dans ce mouvement où tout est transformation. Seulement le temps
du Yin et du Yang ne nous appartient pas.
L’Harmonie est donc le fondement, et cette harmonie ne se
trouve pas forcément où l’humain la pense, d’où cette grande question de la
relativité et la nuance. Notre regard semble donc bien limité; et il nous est
bien difficile de repérer à quel moment débute et finit l’un ou l’autre
mouvement, tant que nous sommes obscurcis par nos limitations de vue, et par les films de notre
mental, développés par les peurs et les obsessions de tenir les commandes du « navire ». L’humain par son intervention, voulant
satisfaire ses besoins faisant usage d'une avidité arrogante sans borne, peut pousser les excès, de sa démesure,
jusqu’à son propre péril et déformer la trajectoire tranquille du Yin Yang. La Nature asservie, reprend ses droits, non sans des remises en question des acquis et des habitudes. La forme que
prend cette Harmonie nous est inconnue au même titre que l’on ne connaît pas le
visage d’un enfant en gestation, de même qu’un sculpteur ne connaît pas la forme de sa spontanéité.
fraîcheur de la nuit
constellations de mystère
nos yeux trop petits
De mon point de vue, notre civilisation vit la fin d’une période
beaucoup trop Yang, exagéré et déformé par l’œuvre de l’homme, et nous avons
besoin du Yin.
Deux exemples parmi de multiples
illustrations quotidiennes, pour illustrer ceci :
En
réponse à la mondialisation de la
concurrence sans fin, à l’expansion d’acquisition de matières premières, de
déforestations, d’enrichissement, de volonté de pouvoir par des guerres, au point de détruire la
terre et la dénaturer, le covid-19 est
arrivé apparemment d’une façon anodine,
un petit virus qui s’est installé mondialement. La petite force Yin a surpris tout le monde, de par sa nature et
son ampleur. Cette petite force se transforme en yang par ses variants. Tout
est remis en cause. Le premier
confinement Français a mis en exergue, comme si nous l'avions oublié, l’interdépendance
des services, des professions, toutes essentielles, chacun à sa place, la solidarité des gens les plus humbles, la fragilité des
artifices dont on s’est entouré. Le monde du travail doit se repositionner sur
le sens même du travail. La course yang de la rentabilité, d'accélération, d'agressivité,
de violence, du non-respect du rythme naturel de l'action-repos et des cycles
saisonniers, de la santé des collaborateurs, n'aboutit qu'à la propre mort des
exploitants en tous genres, qui se sabordent eux-mêmes en ne voulant pas tenir
du compte du Yin. Cette période nous
invite à une intériorisation vers plus de simplicité authentique, de proximité
et à remettre en cause toutes nos postures de pouvoirs, les positions
hiérarchiques, dans toutes les sphères. Nous avons redécouvert également la
priorité de la santé, une force Yin, quand elle n'est pas détournée comme un
moyen d'exploitation. Sans elle, rien ne peut suivre. On serait bien inspiré d'entrevoir la fatigue,
la saturation, comme un critère capital de bonnes conditions de travail, à
inscrire dans les contrats de travail. On aurait finit par croire, à notre
invulnérabilité, en un mythe du déni de la maladie et de la mort, que l'on ne
saurait voir, jusqu'à envisager des
corps éternels !
la p'tite
bête qui monte
s'immisce dans
tous les comptes
d'un monde
bancal
Donc, vu seulement d'un point de vue
masculin dominant, considérer que
la femme comme sous la seule étiquette
du "Yin inférieur,
négligeable" le sexe "faible" et de ce fait, pouvant
s'octroyer tous les droits sur elle par des contraintes, des limites, des
ordres est non seulement une erreur, mais un non sens caractéristique, d'une
ignorance et d'une absurdité magistrale. Appréhender la nature de la même
façon, se révèle tout aussi néfaste et dévastateur.
L'homme en niant sa vulnérabilité, son
côté Yin a cru qu'il serait le plus fort en imposant sa loi sous toutes ses
formes, y compris la violence, patriarcat, machisme, etc, il en a usé et abusé
depuis des siècles. Aujourd'hui dans tous les pays, on assiste aux mouvements
des femmes, qui s’internationalisent, et
on ne peut que s'en réjouir pour que l'Harmonie se rétablisse. Ces mouvements
prennent différentes formes, de la revendication égalitaire du savoir et des
responsabilités, du rôle d’esclaves à la dignité consciente de leur importance,
de leur sensibilité spécifique mais aussi, de la revendication de la féminité dans leur chaire, avec le respect qui leurs
est dû. Toute cette transformation de la
société me semble inexorable par et pour l’apport du Yin. Le jeu de l’équilibre
et de l’harmonie s’impose. Avec ces mouvements féminins, j’établis un lien
parallèle avec le retour à un autre mode de vie, dans la perspectives non d'une régression,
mais d'une évolution spiralée, vers une nouvelle manière de nous nourrir,
d'entretenir notre sante ou des rapports humains, comme si nous avions perdu
nos références à nos racines. Et le Tao a déjà toutes ces façons d'être, en
son essence
Nous sommes impliqués dans ces courants
Yin Yang. Notre corps en est même la synthèse et nous sommes complètement
imprégnés du Yin Yang qui circule, au service de notre conscience. Chacun de
nos organes interagissent sur le physique ou sur le mental. Notre intérieur
agit sur l’extérieur et s'influencent mutuellement. Chaque organe nous invite
aussi à comprendre que tout être humain a ses limites. La toute puissance,
n’est pas notre nature.
Seul le bon sens de notre conscience,
posée dans le calme, et la profondeur, peut nous éclairer. Elle sait.
Elle connaît intuitivement la mesure des choses et tout un chacun en
dispose. Ce n’est pas une question d’élitisme, ou de pseudo intelligence ou de
manque d’instruction. Le langage populaire nous interpelle même dans sa
justesse, et sa sagesse innée. Toutes ces consciences individuelles, respectées
dans leurs essences peuvent se réunir, et quand cela se produit, un miracle
d’harmonie collective se fait jour, comme une évidence qui s’impose à un
ensemble. Cela suppose de vérifier toutes nos peurs d’accepter que nous ne maîtrisons
pas tout, et que l’inconnu et le hasard peuvent
nous apporter de bonnes surprises.
Nous avons l’opportunité de faire vivre
la Fluidité des choses et des relations et l’Emerveillement. Nous avons la
capacité du discernement et le choix possible de favoriser Le Yin pour
participer à cette harmonie y compris par notre parole que ce soit sur la forme
ou sur le fond.