jeudi 8 avril 2021

 

ESPACE DU TAO

 

En ces moments où nous pourrions « perdre le sens du nord, ou le bon sens», dans ces actualités perturbantes, je me réfère à la pensée Taoïste, porteuse d’espoir, sous quelque latitude que ce soit. Que peut apporter le Tao comme lecture, pour un peu  de recul et de hauteur, par l’entremise du Yin Yan ?

 

Dans le TAO, promu par la pensée chinoise, tout être humain, événement, phénomène, situation, action, relation, interactions et bien évidemment le corps de chaque individu, etc.… tout sans exception, se compose en Yin Yang, deux forces en perpétuel mouvement. Dans l’apparence simple  de cette formule,  se cache à mon sens une complexité. En occident, quand on parle du yin-yang, nous avons la fâcheuse tendance à voir le monde,  les événements, nos relations en mode binaire blanc-noir, fort-faible, bon-mauvais et surtout à lire la force Yin comme inférieure, voire négligeable. Ceci prête à une grande confusion, et conduit à des dérives dommageables, faute de saisir toutes les nuances, dans cette fausse interprétation très réductrice.  Dans le langage Taoïste, Yin-Yang ne sont pas séparés, il s’agit d’un seul mot, d’un seul élément depuis  le big-bang originel, deux forces en fusion. Ces deux forces  binaires n’ont pas la forme de la séparation, de la dualité, l’un dépend de l’autre  et se nourrissent  de façon complémentaire; du couple éclot la créativité.  Une autre notion apparait, du fait de ces deux forces en présence, tout est en mouvement, constant. Dès que le yang prend de l’importance, le yin se fait jour et inversement. Le Yang ne peut exister seul, le Yin ne peut exister seul. La transformation du Yin vers le Yang et du Yang vers le Yin sont constant.  Le Yin s’introduit là où le Yang se manifeste, le Yang s’introduit dès l’apparition du Yin. Il nous faut comprendre qu’il s’agit d’un  Mouvement en continuum vers  une Harmonie, dans une danse de l’une à l’autre force, un peu à l’image de la marche d’un pas après l’autre, un Equilibre en situation de mouvement. Mouvement et Harmonie coexistent. L’être humain baigne dans ce mouvement où tout est transformation. Seulement le temps du Yin et du Yang ne nous appartient pas.

L’Harmonie est  donc le fondement, et cette harmonie ne se trouve pas forcément où l’humain la pense, d’où cette grande question de la relativité et la nuance. Notre regard semble donc bien limité; et il nous est bien difficile de repérer à quel moment débute et finit l’un ou l’autre mouvement, tant que nous sommes obscurcis par nos  limitations de vue, et par les films de notre mental, développés par les peurs et les obsessions de tenir  les commandes du  « navire ».  L’humain par son intervention, voulant satisfaire ses besoins faisant usage d'une avidité arrogante sans borne,  peut pousser les excès, de sa démesure, jusqu’à son propre péril et déformer la trajectoire tranquille du Yin Yang.  La Nature asservie, reprend ses droits,  non sans des remises en question  des acquis et des habitudes. La forme que prend cette Harmonie nous est inconnue au même titre que l’on ne connaît pas le visage d’un enfant en gestation, de même qu’un sculpteur ne connaît pas  la forme de sa spontanéité.

 

fraîcheur de la nuit

constellations de mystère

nos yeux trop petits

 

  De mon point de vue, notre civilisation vit la fin d’une période beaucoup trop Yang, exagéré et déformé par l’œuvre de l’homme, et nous avons besoin du Yin.

 

Deux exemples parmi de multiples illustrations quotidiennes, pour illustrer ceci :

 En réponse  à la mondialisation de la concurrence sans fin, à l’expansion d’acquisition de matières premières, de déforestations, d’enrichissement, de volonté de pouvoir  par des guerres, au point de détruire la terre et la dénaturer,  le covid-19 est arrivé apparemment d’une façon anodine,  un petit virus qui s’est installé mondialement.  La petite force Yin  a surpris tout le monde, de par sa nature et son ampleur. Cette petite force se transforme en yang par ses variants. Tout est remis en cause.  Le premier confinement Français a mis en exergue, comme si nous l'avions oublié, l’interdépendance des services, des professions, toutes essentielles,  chacun à sa place,  la solidarité des  gens les plus humbles, la fragilité des artifices dont on s’est entouré. Le monde du travail doit se repositionner sur le sens même du travail. La course yang de la rentabilité, d'accélération, d'agressivité, de violence, du non-respect du rythme naturel de l'action-repos et des cycles saisonniers, de la santé des collaborateurs, n'aboutit qu'à la propre mort des exploitants en tous genres, qui se sabordent eux-mêmes en ne voulant pas tenir du compte du Yin.  Cette période nous invite à une intériorisation vers plus de simplicité authentique, de proximité et à remettre en cause toutes nos postures de pouvoirs, les positions hiérarchiques, dans toutes les sphères. Nous avons redécouvert également la priorité de la santé, une force Yin, quand elle n'est pas détournée comme un moyen d'exploitation. Sans elle, rien ne peut suivre.  On serait bien inspiré d'entrevoir la fatigue, la saturation, comme un critère capital de bonnes conditions de travail, à inscrire dans les contrats de travail. On aurait finit par croire, à notre invulnérabilité, en un mythe du déni de la maladie et de la mort, que l'on ne saurait voir, jusqu'à envisager  des corps  éternels !

 

la p'tite bête qui monte

s'immisce dans tous les comptes

d'un monde bancal

 

Donc, vu seulement d'un point de vue masculin dominant,  considérer que la  femme comme sous la seule étiquette du "Yin inférieur,  négligeable" le sexe "faible" et de ce fait, pouvant s'octroyer tous les droits sur elle par des contraintes, des limites, des ordres est non seulement une erreur, mais un non sens caractéristique, d'une ignorance et d'une absurdité magistrale. Appréhender la nature de la même façon, se révèle tout aussi néfaste et dévastateur.

 

 

L'homme en niant sa vulnérabilité, son côté Yin a cru qu'il serait le plus fort en imposant sa loi sous toutes ses formes, y compris la violence, patriarcat, machisme, etc, il en a usé et abusé depuis des siècles. Aujourd'hui dans tous les pays, on assiste aux mouvements des femmes,  qui s’internationalisent, et on ne peut que s'en réjouir pour que l'Harmonie se rétablisse. Ces mouvements prennent différentes formes, de la revendication égalitaire du savoir et des responsabilités, du rôle d’esclaves à la dignité consciente de leur importance, de leur sensibilité spécifique mais aussi, de la revendication  de la féminité  dans leur chaire, avec le respect qui leurs est dû.  Toute cette transformation de la société me semble inexorable par et pour l’apport du Yin. Le jeu de l’équilibre et de l’harmonie s’impose. Avec ces mouvements féminins, j’établis un lien parallèle avec le retour à un autre mode de vie,  dans la perspectives non d'une régression, mais d'une évolution spiralée, vers une nouvelle manière de nous nourrir, d'entretenir notre sante ou des rapports humains, comme si nous avions perdu nos références  à nos racines.  Et le Tao a déjà toutes ces façons d'être, en son essence

 

Nous sommes impliqués dans ces courants Yin Yang. Notre corps en est même la synthèse et nous sommes complètement imprégnés du Yin Yang qui circule, au service de notre conscience. Chacun de nos organes interagissent sur le physique ou sur le mental. Notre intérieur agit sur l’extérieur et s'influencent mutuellement. Chaque organe nous invite aussi à comprendre que tout être humain a ses limites. La toute puissance, n’est pas notre nature.

 

Seul le bon sens de notre conscience, posée dans le calme, et la profondeur, peut nous éclairer.  Elle sait. Elle connaît intuitivement la mesure des choses et tout un chacun en dispose. Ce n’est pas une question d’élitisme, ou de pseudo intelligence ou de manque d’instruction. Le langage populaire nous interpelle même dans sa justesse, et sa sagesse innée. Toutes ces consciences individuelles, respectées dans leurs essences peuvent se réunir, et quand cela se produit, un miracle d’harmonie collective se fait jour, comme une évidence qui s’impose à un ensemble. Cela suppose de vérifier toutes nos peurs d’accepter que nous ne maîtrisons pas tout, et que l’inconnu  et le hasard peuvent nous apporter de bonnes surprises.

Nous avons l’opportunité de faire vivre la Fluidité des choses et des relations et l’Emerveillement. Nous avons la capacité du discernement et le choix possible de favoriser Le Yin pour participer à cette harmonie y compris par notre parole que ce soit sur la forme ou sur le fond.