jeudi 6 août 2020

Au Centre des Humeurs

Au centre des Humeurs

 

 S'il est un domaine transversal qui s’avère être l'une des causes de déstabilisation psychologique ou de violences verbales dans toutes les instances, touchant toutes les couches de la société d'une manière quotidienne, ce pourrait bien être  « les sautes d'humeurs » et  leurs expressions. Comment faire avec pour mieux les gérer?

 Petits nuages ou grosses tempêtes

Les humeurs sont pour l'âme ce que les nuages sont pour le climat : variables, contrastés, imprévisibles, ombrageux, orageux, inégaux dans leur densité, leur contenu, leur fréquence, leur électricité, suspendus entre ciel et terre.

 Les humeurs caricaturent les émotions dans leurs excès et sont pour la plupart perçues dans un sens péjoratif et négatif, véhiculant avec elles dans le langage courant, un sentiment de mal être. On ne se plaindra pas d'avoir des émotions mais on se lamentera de n'avoir aucun contrôle possible sur ces sautes d'humeurs agissant sur le plan personnel ou relationnel, physique ou émotionnel. L'aspect irascible, excessif, démesuré, exécrable, « caractériel », contrasté, de ces manifestations, engendre une relation à forme tyrannique, pour la personne qui le vit et son entourage. L'expression de volontés contraires indique qu'il pourrait s'agir de dysfonctionnements des « vouloirs ». La variation des désirs soumet l'intéressé à des fluctuations d'intérêts qui n'aboutissent pas dans leur conclusion. Les incidences frustrantes ne font alors que rajouter au désarroi.

 La philosophie taoïste, dans ses observations ancestrales, a pu donner tout son sens à ces fluctuations par la lecture de la transformation des énergies dans le corps. Elle le traduit par cette simple synthèse « le cœur n'est pas tranquille, il a perdu son domaine » et en donne même des outils pour mieux les appréhender tel que le massage, Chi Gong, Tai Chi, concentrations, méditations. L'efficience de ces outils a fait ses preuves pour apporter le calme mental, par la régulation des énergies.

 Du dénouement de la perte

La manifestation de ces variations d'humeurs, avant de devenir pathologique, s’il en est le cas, a une référence presque normative, puisque le psychologique est d'abord lié au physique, et que l'énergie corporelle a ses propres règles. Chaque émotion est dépendante des

cinq organes et de leurs viscères. Le simple fait de transmuter d'un organe à un autre, provoque un changement humoral, ce qui se produit toutes les deux heures. Il est donc normal qu'un certaine fluctuabilité des humeurs puissent se vivre selon ces fuseaux horaires. Elles ne peuvent pas être linéaires. Le problème se pose  d'avantage quand une rupture brutale intervient dans ce rythme. Le corps et le mental sont continuellement en train de s'adapter, entre l'intérieur et l'extérieur, entre un état émotionnel donné, à un moment donné et son juste milieu. Il n’aime pas le brusque événement  choquant. La variation cyclothymique devient pénible quand l'horloge biologique est défaillante, en voici quelques exemples :

  Ceci est particulièrement flagrant au moment de la ménopause. La fin naturelle des ovules enclenchent un déséquilibre des ovaires et des reins, ce qui a pour effet une activité désordonnée provocant une énergie non-utilisée. La fonction régulatrice des reins et des eaux dans l’organisme ne remplit plus son office, l’eau ne retient plus le feu,  « ils ne comprennent plus. » La chaleur inemployée monte ainsi par à-coup. C’est l’affolement par l’action irrégulière sur le foie et vésicule biliaire qui réagit d’une manière inconsidérée « lui non plus ne comprend plus. » Les humeur du cycle féminin est bien la démonstration, s’il en était besoin, des incidences des organes et de la fluctuation énergétique sur le psychologique. La médecine chinoise a son savoir faire en la matière, tant pour les humeurs que pour la ménopause, dans l’apprentissage de la retenue des énergies ou de leurs transformations, dans le rééquilibrage de ces «mauvaises poussées de fièvres » qui interagissent sur le comportement. 

 La connaissance intuitive de l’équilibre des énergies, le tempo horaire et thermique, le dosage subtil de toutes les hormones reconnus par l’hypothalamus, passent nécessairement par la grande horloge biologique qu’est la glande thyroïde. Le langage des humeurs respecte le contrôle des glandes et de leurs hormones. L’ablation de la thyroïde a des incidences sur le sommeil, la perception de la fatigue, l’attention, la sexualité, mais elle a aussi des conséquences redoutables sur les humeurs : « on ne se sent pas bien ». Comme pour la ménopause tous les efforts de régulation d’une thyroïde enlevée, demande beaucoup de temps et compensent maladroitement la préciosité des  cellules hormonales.

 Aussi étrange que cela puisse paraître, on se retrouve dans la même situation du manque et d’affolement des humeurs versatiles, excessives, démesurées,  lors de la période de désaccoutumance des addictions avec la même vulnérabilité. Même s’il s’agit du manque d’ « agents  extérieurs, » qui seraient venus cependant combler un vide, la danse du « yo-yo »  des humeurs est la même que pour les événements internes ? Et en général cela ne passe pas inaperçu et l’entourage le sait. Le général des armées « vésicule biliaire » est perdu, il ne reconnaît plus ses soldats, son propre territoire est miné, cerveau, globules blancs, glandes, et autres télécommandes sont perturbées, « il ne se reconnaît plus ».

 Gens qui rient, gens qui pleurent

Le paroxysme de la variabilité des humeurs se focalisent particulièrement chez le sujet maniaco-dépressif. Mais c’est aussi le paroxysme du manque puisqu’il s’agit  de la perte du sens de la vie. IL perd la raison mais il a plein de raisons de se retirer. En s’enfermant dans l’obsession, par un vide de rate extrême il s’englue dans les manies qui nourrissent à leur tour ce cercle vicieux. Les poumons,  de ce fait, épuisés n’adhèrent plus  au programme de la gestion des liquides et du Chi, qu’ils se sont donnés, et se retirent dans la dépression,  la tristesse et  le désarroi. Le cœur est profondément blessé. Confronté à l’angoisse de vivre, physiquement il signe son malaise,  en bloquant la circulation de l’énergie entre l’estomac, le cœur et les poumons. Il perd ses repères.

Au fond le ou la « maniaco-dépressif » est un être coincé entre le haut et le bas, au diaphragme tendu. Son énergie passe du vide de la rate au vide des poumons. Plus rien ne va ni  dans le bassin, ni dans la tête. Il ne peut être satisfait de l'ordre terrestre que lui offre l'ordre régnant qui casse la matière plus qu'il ne la respecte, il fait croire alors à son adhésion à « l'ordre » en adoptant les manies très sophistiquées ; et ne peut accéder au spirituel puisse qu'il ne peut accéder à l'illusion d’un idéal père parfait qu'il s'est fixé ou qu'on le lui aurait transmis; d'où sa tristesse et son profond désarroi. Tiraillé entre l'imparfait spirituel  et le faux ordre terrestre, il ne donne plus de place au foie aux esprits « hun »,  qui pourraient trancher sur ces falsifications d'existence pour ressourcer son cœur. Entre la folie d'une mère et l'absence d'un père, il se donne l'illusion de se bercer entre « ne pas être soi » et l'obéissance, la soumission à la « conformité », pour en retirer un bénéfice trompeur de reconnaissance ou de pseudo existence. Conscient cependant de son mal être, mais sans savoir comment nourrir son action ou sa réflexion, ce va et vient devient épuisant physiquement, intellectuellement, affectivement et spirituellement. La mélancolie, le regret, la nostalgie complices de l'inertie auront beau jeu de s'installer. Caractère irritable, hyperactivité suivi de grande fatigue, manque de concentration passant de l’euphorie à l’abattement de l’ exubérance au profond désarroi, du rire aux larmes, seront ses faux amis le jour et  les cauchemars ceux de la nuit.

Il se fait  et de la bile et des glaires. Ce qui a pour résultante d'obstruer le cœur et se trouve donc dans une impasse, en se soumettant au « faux » il se désolidarise de son propre cœur en qui il ne peut même plus trouver la force de révolte pour laisser crier sa colère de ne pas être soi. En occident la médecine semble impuissante d'en trouver la cause et pour autant commet des électrochocs,  encore en ce 21ème siècle pour venir à bout du désordre mental provoqué par ce grand désarroi d'être incompris, ballotté entre la recherche d'un modèle et être soi. Le lithium vient ensuite lissé ce traitement de « choc ».

La médecine chinoise ne néglige pas le rôle des mucosités obstruant les artères dans cette pathologie ; elle aurait raison de cette déraison par les points E 36, E 40 en acupuncture, de cette mucosité visqueuse d'adhésion au dés-ordres. Ces deux points ne suffisent pas à eux seuls à rétablir l’énergie de tous les organes,  mais ils sont  cependant des bonnes clés pour ouvrir un chemin vers plus de sérénité.

 Alternance ou sas nécessaire d'une humeur à l'autre

Le passage d’une humeur à une autre s’avère inéluctable mais la réalité de ce phénomène nous invite à clarifier le ciel nuageux de notre mental face aux événements. Les sautes d’humeurs dont les causes sont physiques peuvent être, sans doute régulés, par une intervention externe, pour le reste, on ne peut échapper à une vigilance sur soi-même. Les humeurs dans un couple, ou dans une famille où tout le monde est obligé de supporter les désagréments, les humeurs du père alcoolique, les caprices d'une adolescente,  les gémissements de la mère épuisée ou les imprévus d'un adolescent drogué. Ce n’est pas une preuve d'amour que de s'y associer, la compassion n'est pas la fusion dans une humeur destructrice, d'irritation ou d'impatience.

Plusieurs pratiques peuvent donc nous y aider :

La clarification des significations de termes très proches, tel le brouillard rendant la lecture des formes un peu nébuleuses, mais qui amènent à la confusion du sens peut contribuer à l’apaisement : confusion entre ténacité et rigidité, entre endurance et entêtement, ente action et activisme, entre être discret et être inexistant (fausse humilité), entre l'effet tonitruant et prendre modestement sa place, entre autonomie et n'en faire qu'à sa tête, entre ralentir une activité et stopper une activité, entre ce qui est subjectif et ce qui est objectif, entre autorité et autoritarisme. Cela peut éviter les emportements parce que l’on aurait pris l'excès à la place de la réalité.

  Se recentrer n’est pas un vain mot en philosophie taoïste, cela s’effectue consciemment en ramenant plusieurs respirations abdominales tranquilles au Tan- tien, lieu énergétique sous le nombril, et s’ancrer, par le massage des pieds pour ne pas perdre la tête et garder les pieds sur terre.

 S’octroyer des sas de décompression entre deux univers différents, travail et foyer par exemple, respecte assez bien le rythme d’adaptation fluide nécessaire et s’avère utile pour unifier ce qui, sans cela, pourrait devenir rupture.

 Admettre de tourner la page d'un événement, ou d'un état à un autre adolescent- adulte, divorce-solitude, les soucis ressassés ne conduisent qu'à punir la rate. Les regrets blessent les reins et ralentissent la marche en avant, quand le corps continue sa progression.

 On ne peut faire l’économie d’un apprentissage du contrôle de soi, car lâcher à elles-mêmes les humeurs vont vite devenir une jungle, l’authenticité ne veut pas dire déverser sa poubelle émotionnelle.

 Fixer la diversité de ses vouloirs sur un seul acte déterminant amènera le mouvement et la concentration nécessaires à la mise en forme d'une pensée plus structurée.

 Les sautes d'humeurs peuvent être un baromètre, un indicateur d'un dérèglement de l'harmonie initiale, elles sont aussi un repère de lutte interne comme une tentative de vouloir ramener, souvent avec maladresse, son soi vers son axe pour ne plus être « désaxé », plus « raisonnable ». 

La bonne santé se réjouit de  la bonne humeur !!!

 

 

 

 

 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire