Le revers de l’élitisme
-« Une gare, c’est un lieu où on
croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien.
-"Je traverse la rue, je vous trouve du
travail"
- "Des Gaulois réfractaires au changement"
- "Je ne céderai rien "ni aux fainéants, ni aux
cyniques"
-"Certains, au lieu de foutre le
bordel, feraient mieux d'aller regarder s'ils ne peuvent pas avoir des postes
là-bas, parce qu'il y en a qui ont les qualifications pour le faire et ce n'est
pas loin de chez eux".
-"les femmes salariées de chez Gad
sont "pour beaucoup, illettrées".
Autant de petites phrases égrenées, pour n'en
retenir que quelques unes, qui ont pu m'interpeller sérieusement. Ce ne sont
pas seulement des mots attachés les uns aux autres, pour remplir une banale
discussion, ils ont été sciemment évoqués devant les caméras et journalistes
pour qu'ils soient retranscrits, ils ont
un sens et une portée, à fortiori
provenant de notre président. Il s'agit en fait d'une éloquente démonstration
de ce qui le porte : issu d'une élite, c'est devenu son moteur, sa composante,
il ne jure que par l'élitisme.
Nombreux sont les aspirants à vouloir faire partie
d’une élite, mordre dans cette pomme qui amènerait à une certaine
distinction paradisiaque. Cette notion d'élite s’inscrit dans toute la société
et dans tous les registres, élite intellectuelle, élite sportive, élite des
médiateurs, élite juridique, élite militaire ; même, élite religieuse pour
n’évoquer que quelques tranches de ce fruit tant convoité. Déjà à ce niveau,
on se rend compte que l’on y met pas tout à fait la même chose, ce qui d’emblé
laisse percevoir le facteur relatif de la chose.
« Ensemble
de ceux qui, dans un groupe, une société sont considérés comme les meilleurs,
ceux qui se distinguent par le mérite » dictionnaire de l’académie
française.
Cette attirance, n’est pas innée, elle est acquise,
inculquée et déjà dès le plus jeune âge. Elle semble faire
partie de toutes les instances, une sorte de règle du jeu tacite, admise et peu
interrogée sur sa légitimité. Michaël Sandel parle de la « Tyrannie du
mérite". Je m’autorise quelques questions : est-ce vraiment une
« valeur » constituée ou n’y a-t-il pas un ver dans la pomme ?
Peut-on porter un autre regard sur ce phénomène social ? L’excellence
passe-telle systématiquement par adhésion à une élite ?
Au nom du dépassement de soi, la
compétition, les concours, se diffusent insidieusement dans toutes les
strates sociétales. Cette « norme » de l’inconscient collectif,
prévaut, comme une loi, sur bien d’autres considérations.
Dès l’école, le système de
notification, n’est pas motivé seulement par l’acquisition d’un savoir mais
surtout par la mise en place d’une hiérarchie des meilleurs, pour le service
des meilleures entreprises. Les « décrochés scolaires » sont là
pour nous rappeler le gâchis dont ils sont l’objet, ce n’est pas qu’ils soient
moins intelligents, mais que l’école telle qu’elle est pensée en fonction de
l’élitisme, les exclut. Pour ceux qui sont sélectionnés, il s’ensuit la course
aux diplômes, tous aussi sélectifs les uns que les autres. L’induction des
professeurs, l’angoisse des parents pour que leur enfant réussisse, le besoin
de reconnaissance des enfants tout concourt à faire exister cette machinerie,
bien huilée, pour viser une performance. Or il n’est pas besoin de l’élitisme
pour être performant. C’est oublier que les talents ne proviennent pas que des
apprentissages du par cœur, c’est oublier que le prestige, lié à l'argent dans une dimension sociologique, n’est pas une
preuve d’un savoir faire, c’est oublier que l’angoisse des parents transmise
aux enfants, ne leur donne pas de la force et l’assurance dont ils ont besoin,
c’est oublier que le besoin de reconnaissance est essentiellement un besoin
d’amour, moteur essentiel de leur évolution. C’est oublier que des génies
créatifs peuvent se trouver en dehors d’un système scolaire établi.
Toutes ces sélections aboutissent à des exclusions, avec le lot de punitions
dévalorisantes, contraire à l’unité qui enrichit le collectif.
La pression mise sur certains
étudiants par une autorité, sous prétexte de l’apprentissage à l’effort, comme
celle accusée par des ouvriers par des cadences imposées ou celle subie par les
sportifs par le passage "obligé" de la douleur lors des
entrainements, n’engendre que des inégalités, des peurs : peur de ne pas
réussir, peur de ne pas être à la hauteur, peur d’être mangé par l’autre
pour les entreprises, peur du manque, peur d’être laissé pour compte et
d’être exclus d’un groupe, peur de l’étranger, etc. pouvant aller jusqu’au
burn-out. Mais la peur n’apporte aucun bénéfice et affaiblit les
capacités d’initiative, elle parasite la spontanéité et les forces vives. On
est loin d’un respect de l’évolution selon le rythme de chacun, forcément
différent selon les individus.
Ces catégories normatives, formées à partir de normes
culturelles, de l’argent et d’un carnet de relations, comme faisant parti d’une
des « élus », ne se justifie pas. Toutes ces cooptations fluctuent
selon des critères arbitraires et empêchent Les élites entre elles vont se
faire la guerre, et à l’intérieur de cette caste, la règle d’être le plus fort,
le ou la meilleure, bat son plein et favorise le développement des égos,
parfois à couteaux tirés, comme s’il s’agissait de la seule voie de salut. Dans
ces clubs fermés des privilèges, tout
est fait pour faire valoir l’arrogance, le mépris de ce qu’ils jugent comme inférieur
à eux, comme s’il s’agissait de quelque chose de normal. Dans cette situation,
le combat, l’obtention d’un pouvoir y est souvent le graal où tout serait
bon pour le sauvegarder, les combines, les manipulations et autres travers,
mais de quoi est constituer ce pouvoir et où mène t-il ? Rien de
glorieux dans ces acquis éphémères ! L’élitisme nourrit intrinsèquement la
violence, la prétention de tout connaître, tout en méconnaissant les limites de
chaque savoir et en attisant les envies. "Nous sommes les meilleurs, les
autres des sous- hommes" conduit à
des excès aberrants, entre familles, voisinages, nations, jusqu'à l'eugénisme.
On voit où cela mène!
La
pomme est pourrie
On peut s’interroger sur la définition de l’académie
française « ensemble de ceux qui dans un groupe, une société sont
considérés comme les meilleurs » mais comment se constitue ce groupe, ceux
qui sont considérés par qui, et sur quelles références abstraites, et
aléatoires du moment? _ « qui se distinguent par le mérite »
mais sur quoi se distingue le mérite ? Croire que seule, l’élite travaille
est un leurre. Les femmes de ménage et celles et ceux qui se
chargent de tâches ingrates sont bien plus méritants que bien des professions
aux salaires mirobolants au confort ostentatoire.
sûr de lui
son diplôme le propulse
vers le doute
Associer l’élitisme à un prestige honorifique,
acquis par un héritage conséquent montre bien, qu'il est fondé sur de la
subjectivité et des croyances. L’appartenance à une élite, ne peut se prévaloir
d’une moralité rayonnante, l’actualité fait état de bien des désillusions quand
apparaissent des méfaits notoires et peu enviables. La relativité de cette
notion cet apriori d’une élite, s'appuie sur rien de fiable, sur des fantasmes
de toute puissance pour n’être qu’en bout de course qu’un mythe. Mais ce
fantôme a la vie dure, même devant l’évidence. Cependant, certains individus,
issus de ces « grandes écoles » atteignent, malgré leurs
connaissances une grande humilité devant tout ce qu’ils ont encore à apprendre.
Dans d'autres sphères es personnes issues de milieu plus modestes, doivent
redoubler d'efforts pour s'élever socialement. Mais l'idéologie d'une
"échelle sociale" signifie l'idée qu'il y aurait une hiérarchie, dans
le subconscient collectif tout aussi arbitraire que l'image du "premier de
cordée". L'élévation personnelle s'extrait de cette construction illusoire.
A vouloir être toujours le premier sur le podium
engendre à un moment donné une chute, l’élitisme s’autodétruit. L’appartenance
à une élite n’est pas le gage d’une intelligence. La rivalité dans un combat
continuel promet tout le contraire d’une fraternité, jusqu’à en devenir
anticonstitutionnel ! Croire à l’unité d’une société, dans ces
conditions, dans un refus notoire de la différence, relève de l’imposture
intellectuelle.
Le but d’une société juste et équitable
devrait pouvoir organiser la valeur de tous les talents à quelque échelon
qu’ils soient, pour le bien collectif. L'économique comme seul critère
d'évolution devient destructeur. Chaque humain naît avec les mêmes besoins,
avec les mêmes étapes de progression, enfants, adolescents, adultes, vieillards.
La conscience individuelle est la même pour tous, dans la recherche d'une
certaine sagesse, d'harmonie de félicité. Le quotidien déborde de preuves
allant dans ce sens. A nous de nous en saisir. Notre pleine présence en chaque
acte, nous y conduit. Dans chaque parole nous pouvons vérifier si derrière ces
énoncés, ne se cachent pas l'élitisme. Dès lors l'argument est discréditer de
lui même, puisque sans fondement. Une clé pour le discernement.
Le
pouvoir calé
en
douteuses certitudes
passe
la mode
Les
élites se délitent
Serge Blanchard
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