De La Cause première
Quand un
incendie se déclare, les pompiers neutralisent ou le support inflammable, ou
l’oxygène et veillent à ce qu’aucune braise incandescente même souterraine, ne
puisse se raviver pour enfin déterminer d’où est parti le feu et ce qui l’a
provoqué. Ils transmettent ensuite leur questionnement à la gendarmerie pour la
recherche de l’incendiaire, pour la déléguée encore à d’autres experts qui
tenteront de comprendre la problématique de l’intention de ce dernier. La
succession de contingences et
conditionnements divers aboutissent à un effet
catastrophique.
L’acupuncteur
ou le thérapeute Taoïste mobilise son humble prétention pour comprendre la
souffrance ou le conflit énergétique et émotionnel, circonscrire le mal à sa
racine et ainsi transformer la Cause première du cercle vicieux de la
souffrance, des cascades des maux en tout genre, des perturbations de
l’harmonie, en un puissant cercle vertueux. Redonner le potentiel, la
dynamique, le flux du courant de l’Élan vital, réintroduire la force de la
Cause première, l’initiation de la fusion du Yin et du Yang vers son réel
ultime, respecter l’expression de la forme de cette vitalité qui reste
mystérieuse, individuelle, personnelle, tel pourrait être son programme et son
attitude. Nous pouvons émettre quelques hypothèses sur les raisons de ces
fractures.
Cascade des causes
La moindre
analyse d’un événement désastreux : maladie, dysfonctionnement relationnel,
crises sociales, excès d’une violence, accidents routiers nous plonge dans un conglomérat de
causes aux effets pervers. Qui…de
l’alcool ou des violences conjugales, du manque d’argent, des atermoiements et
méandres judiciaires, d’interventions abusives et intrusives d’une
« assistance sociale », d’un conflit de voisinage, d’une fermeture
d’usine, des non-réponses à de multiples CV, d’une inadaptation de la scolarité
à son enfant, d’un dérapage de la santé à la suite d’un traumatisme…qui a pu
causer la déchéance personnelle, familiale, sociale, d’un individu ? L’approche
de la cause initiale du mal, nécessite effort, ténacité et accompagnement.
Autant que faire se peut, elle se fera
au plus prêt de la raison qui l’a enkysté, sans oublié que « des cendres
mal éteintes peuvent couver ». D’où un temps nécessaire pour en vérifier
la bonne résolution. On peut faire confiance à la personne qui parle de son mal
être, l’expérience d’une sorte de certitude intérieure de contacter la raison
juste, lui donne un sentiment d’apaisement, loin des tumultes émotionnels.
Certaines thérapies voudraient remonter avec
violences, jusqu'aux calendes grecques, faux souvenirs d'enfance ou vies
antérieures, dont on ne sait d'ailleurs, pourquoi l'investigation s'arrêterait à cet événement
ou date plutôt qu'un autre, sous prétexte que le « thérapeute » en aurait
décidé ainsi.
L'approche
Taoïste fondamentalement non-violente, n'empêche pas la remontée de souvenirs
authentiques ou rêves pour en donner sens, elle va même utiliser le potentiel
en énergie mentale qui les soutend, pour les transformer en action correspondant
plus spécifiquement à l'élan vital. Elle ne casse pas l'immunité physique ou
psychique pour être en contact avec ce qui semble être, en ce moment, la cause
d'une souffrance. Sa référence est celle de l'énergie, du Chi, qui cherche son
espace et sa forme d'expression. Il l'accompagne en la posant, en la réajustant
le plus harmonieusement possible, avec précaution, pour montrer au patient, vers quoi peut tendre l'organisation, la construction
patiente de son projet de vie, énergie toujours en mouvement et transformation.
Rupture du lien
d’unité des trois
trésors
La perte
du lien avec son Essence initiale, celle du cœur, le shen, l'identité serait
sans doute la première cause des pathologies, des cascades d'errements ou
maladies, dysfonctionnements affectifs,
émotionnels, physiques ou relationnels et par voie de conséquence
sociaux. Or cette « morpho-logie » de cette Essence identitaire se
nourrit de reconnaissance, de limites et d'ouvertures (attente plus tournée
vers le père) et de tendresse, sécurité, de poésie du cœur (attente plus
espérée en provenance de la mère) les deux parents pouvant se partager
respectivement ces rôles. C'est donc par ce double constat : l' attente et le
vide d'énergie du cœur, que la souffrance s'installe. Elle prend la place de la créativité. Loin de vouloir
rester sur la nostalgie de l'enfant en manque, l'adulte reconnaîtra son besoin comme une nécessité vitale et se
donnera les moyens de cette nourriture pour faire vivre son savoir et son
savoir-être.
La perte
de la terre, de ses racines, de ce qui constitue ses ressources, le Jing,
langue d'origine, culture, force d'action, la perte de ses repères, des savoir-faire
seraient la deuxième cause des traumatismes se déguisant en poupées russes. La
tension créatrice et l'acceptation de son émergence, par des méthodes
artistiques non jugeantes et cependant encadrées, redonne à la source de vie la
capacité de retrouver le sens de sa rivière. La nécessité de se manifester
devient une évidence. Si cette évidence est niée, si elle n'est pas entendue,
soutenue, reconnue cette énergie se retourne contre elle-même (suicide,
auto-mutilation sous différentes formes)
La perte
du souffle, perte du lien entre le Shen et le Jing, perte du lien entre la
terre et le ciel, entre le savoir et le savoir-faire, entre le dire et le vécu,
entre la conscience et l'action, entre spiritualité et sexualité serait la
troisième termitière qui pourrait détruire l'édifice. C'est le souffle qui va
permettre les prises de conscience, entre les allers et retours, les montées et
les descentes, l'intime et le social. L'expression verbale, l'expression
créatrice, émotionnelle, sociale ne peut avoir d'existence sans le souffle. Il
est donc capital de s'occuper de ce capital. La respiration est le socle du
maintient de la santé et de sa restauration, Elle nourrit à la fois le grenier
du cerveau et le plancher périnéal, malheureusement dans notre civilisation
dite moderne, elle est trop souvent rangée comme insignifiante dans le local
des oubliettes. Mais là aussi, la délicatesse dans son apprentissage et dans
son exercice sont de mise. L'hyper-ventilation violente, provocant des
tétanies, proposée par certaines thérapies, n'est pas nécessaire pour une
transformation. On n'allume pas un foyer avec un lance flamme et on ne
l'entretient pas à coup de ventilateur. On ne demande pas à un petit enfant de
respirer comme un guerrier. Les efforts constants d'exercices de respiration ne
peuvent être que progressifs. Il en est de même pour l'éveil de la conscience
et le respect de la santé. Le potentiel concentré, une fois libéré, se
développe en son temps et en son moment. On ne peut le forcer. La respiration
calme entraîne le calme mental, la respiration dense invite à la profondeur de
la pensée, la respiration ample sollicite la dilatation de la liberté, la
respiration subtile enrichit la délicatesse.
La perte
de l'unité du Yin et du Yang, de l'unité
des trois trésors, de l'unité des cinq organes et de leurs méridiens, la perte
du contact avec l’élan vital, cette perte serait donc l'instigatrice des
méfaits en cascade. Mais le tableau serait incomplet si l'on ne tenait pas
compte de la fluidité de l'énergie, comme celle de la rivière. Le blocage du
courant sanguin, lymphatique sont bien connus, le blocage du courant énergétique, un peu moins. Il est signifiant
dans la non-fluidité de la parole, entre les intentions et le verbe, entre ce
qui est à dire et ce qui est effectivement dit, entre ce qui est dit et ce qui
est entendu, entre l'intrusion et la liberté de parole, la plupart des
malentendus, voire des conflits sont issus de ces retenues ou débits de paroles
non-fluides. La parole coupée, déformée, les silences qui a eux seuls peuvent
être un langage ou les espaces saccadés, la parole colérique ou inquiète,
dialogue de sourd, en sont des exemples. Dans ce domaine également le souffle,
la respiration retrouve sa fonction de lien. La fluidité de la parole pourrait
avoir la même incidence dans tous les actes : critère d'un questionnement, d'un
passage à l'acte ou de la résolution d'une affaire, complicité relationnelle,
c'est plus facile quand « ça » coule tout seul.
Le livre scolaire frelaté
Dans notre
période de « modernité » où tous les moyens d'informations sont mis à
notre disposition, où la « foultitude » de diplômes laissent supposer
la magnificence de l'intelligence, on pourrait penser à une résolution facile
des conflits de par la connaissance des causes ! Apparemment cela ne suffit
pas. Cela semble être un des paradoxes de notre époque, la sectorisation des
savoirs, aussi pointus soient-ils, n'aboutit pas à la prise en considération de
l'unité et de l'essentiel de l'humain.
Un manque de connaissance et d'apprentissage des bases semble faire défaut,
d'où aussi le courant actuel des rappels de simples leçons de vie, d'entretien de la santé, dans les différentes
revues.
Croire ou
faire croire qu'adhérer à des concepts erronés, comme des postulats
indiscutables et irréfutables seulement au nom de la modernité relèvent de la
méprise intellectuelle. La base de données est falsifiée. Poser, comme à
priori, que les contraintes productivistes, défendues par des responsables se
référant à des scientifiques, passeraient avant la réalisation de soi est une
de ces constructions mentales fondées sur des sables mouvants. Il en découle
des situations contradictoires et perverses, des sources de tensions inutiles :
pour travailler, il faudrait avoir de l'expérience, mais pour avoir de
l'expérience il faudrait avoir travailler ; plus il y a de retard pour le
financement d'une dette plus les
intérêts augmentent, mais s'il y a un endettement c'est sans doute que l'argent
manque ; une formation déboucherait forcément sur un poste de travail à plein
temps, mais la sélection et la compétitivité, conçues comme la norme,
ridiculise cette manière de voir ; la loi du travail passerait nécessairement
par la soumission d'un employé au dictat de son directeur, il s'agirait de
liberté d'entreprendre mais pas d'esclavage ! La rigueur intellectuelle, demanderait que les
argumentations d'un penseur ayant pu donner naissance à une forme de vie sociale à un moment donné, soient
abandonnées, quand elles deviennent aliénation. L'adaptation, forme de sagesse
de l'évolution face à la transformation des choses, doit rester dans le discernement,
l'obstination dans l'erreur cristallise une cause de conflit interne avec des
répercussions externes. C'est méconnaître la force de l'esprit créateur. Il
revendique son espace d'évolution, de logique, de personnalisation. Il donne sa
confiance intuitivement à ce qu'il croit foncièrement bon. Le corps social doit
se mettre au diapason de la cohérence et
de la logique du corps humain dans toute sa dimension et non l'inverse, son
modèle reste incontournable.
Le bon driver n'est pas
introduit dans l'ordinateur
La
méconnaissance du corps dans ses principes de régularités, de fonctionnalités, d'organisation
complexe et mystérieuse, amène à des dysfonctionnements irréversibles.
L’apprentissage de la compétition (pour être le plus fort, le plus riche, le
plus violent compétitif) est un non sens
corporel, vu par un taoïste. Tous les sports de compétitions sont l'apanage de
l'école ! Cet argument incontesté par des pédagogues que l’on serait
à même de considérer comme intelligents, fait preuve d’un non sens
intellectuel. Pourquoi malmener le cœur, tabernacle de l'identité, dans des
courses effrénées sous prétexte de devenir endurant ? Pourquoi l'éducation
nationale scolaire n'intègre dans ses programmes, la culture de l'apprentissage
systématique de toutes les techniques du souffle qui apporte le calme mental et
la concentration, vivacité d'esprit, la fluidité relationnelle ? La maîtrise de
la diététique, du jardinage pourrait bien donner des leçons et des éléments de
base aux autres matières, et quelques ressources aux plus démunis. Apprendre
comment respirer, manger, dormir, se défendre, se ressourcer, respecter son
rythme, gérer la fluidité de sa parole et du dialogue, écouter l'autre, gérer
ses émotions, dynamiser sa créativité sans jugement, respecter son corps,
semble être vraiment des sujets trop compliqués !!. Quand le brevet des
écoles procurera l’évaluation de
l’apprentissage de ces fondamentaux sacrés? Pas le temps de s'occuper de
ces « annexes secondaires » les ingénieux de demain doivent avant
tout savoir jouer des coudes, faire des
études de marché, produire, combattre, se bagarrer, innover pour vendre, être
compétitifs, vu la « guerre » économique mondiale ! On connaît les
résultantes d'exclusions, d’éliminations, de désintégration, d'éclatements
sociaux, de gâchis de ces « principes ». Les choses sont donc mal
ordonnées et ordonnancées.
Logiciels incompatibles
Toutes les
prisons sont remplies de gens qui ont commis des méfaits plus ou moins graves ;
dans grand nombre de cas, l'origine de ces troubles est à rechercher dans les
carences affectives ou des confusions d'esprits. Les violences conjugales ne se
sont jamais autant manifestées ou dévoilées que maintenant, et elles ne vont
pas toutes jusqu'aux tribunaux, qui en sont débordés. La majorité des conflits
dans un couple proviennent de sujets récurrents : l'argent et ses priorités, la
répartition du temps et des taches ménagères, l'espace nécessaire à chacun, la
conception de la sexualité dans son accomplissement ou sa frustration, les
valeurs éducatives, l'absence de créativité, la gestion des émotions, la
gestion de l' énergie, la réalité du dialogue, les soucis de santé, la gestion
des héritages. Mais « on n'a pas appris ». L'école des parents n'a
pas eu lieu. Les règles du jeu sont alors faussées. On se retrouve avec des
logiciels incompatibles.
Lors du
mariage, il y a déjà une confusion de deux types de contrat, le contrat
amoureux et le contrat civil de solidarité, et dans aucun des deux il n'est
donné le mode d'emploi dans la boîte-cadeau qu'offre le maire ou les amis du
couple. D'autre part, dans la vie courante, avec la non-chalance, la norme
sociale et peut être un certain manque de courage, le contrat de solidarité
prend la primeur sur le contrat amoureux. De plus il ne fonctionne pas dans le
temps de la même manière. Le conflit économique dans le couple détruit le
sentiment amoureux. La rate prend le pouvoir alors qu'il revient au cœur. Et en
général quand il y contrat, les règles peuvent être assez précises, ce qui
permet d'éviter les embrouilles, or là dans ces deux cas de figures, la
délimitation de ces contrats sont plutôt
floues. Un contrat obscur à de grandes chances d’aboutir au conflit, la base,
la cause, ne peut être solide. La clef de l'apprentissage de la vie de couple
ou famille serait plutôt du genre « école de la débrouille et de la
dépatouille » avec toutes les dérives dont on peut être témoin.
On peut
apprendre à skier, on peut apprendre à devenir soldat pour devenir une bête de
guerre, on peut apprendre le permis de conduire, ou à devenir un bon mécano, un
homme de maintenance, une technicienne hors paire en informatique etc...on
apprend même à devenir alcoolique ou drogué mais on n'apprend pas l'essentiel.
On n'apprend pas les composantes de l' homme ou de la femme. On n'apprend pas ce que recouvre la
paternité ou la maternité, ni ce que suppose la vie de couple ou de parents. On
n'apprend pas la place de l'enfant et les attitudes qu'ils conviendraient
d'adopter, d'où les nombreux cas de maltraitances d'excès d'autoritarisme ou
d'enfants qui, bon an mal an, portent leurs parents. On n'apprend pas le
langage de la tendresse et de la sensualité, seul garant de la créativité, de
la sécurité intérieure et de la spiritualité. On apprend pas à gérer les
émotions et à se familiariser avec l'énergie du plaisir sexuel dans sa
complexité relationnelle, émotionnelle et physiologique, force tellement
puissante qu'elle peut faire peur ou déclencher des phénomènes énergétiques
destructeurs. Et ce n'est pas une fois en situation que l'on devrait apprendre,
mais bien avant. Évidences tellement banalisées qu’elles ne sont pas appliquées
ou reléguées à des ponctualités de secondes zones ou très anecdotiques. Par
contre la société se charge bien de vous culpabiliser ou de vous faire payer
tous les manquements comme si être père, mère, homme, femme, couple allait de
soi en se référant à des modèles...
perdus d'avance. Il paraîtrait plus important de savoir comment s’endetter à
vie en achetant une maison et en ne travaillant que pour payer des intérêts
bancaires. L’essentiel devient une quantité vraiment négligeable au bénéfice
d’un secondaire plus que douteux. On ne peut à la fois créer la peur en une
personne ou un peuple et lui demander
d'avoir confiance en lui. On ne peut créer des situations de violence et
solliciter le calme de la tranquillité. On ne peut à la fois considérer le corps
comme abjecte et s'offusquer qu'il soit
dégrader, en chercher sa noblesse tout en créant les conditions de son
avilissement. La violence ou la tendresse ? Deux logiciels décidément
inconciliables. On peut espérer une école nationale au service de la vie et non
une école au service d'un produit aussi performant soit-il. Mais pour lutter
contre des habitudes, il faut remuer ciel et terre pour que la cause soit entendue, pour
désamorcer la tension, pour trouver le milieux juste.
Serge Blanchard