Le langage taoïste
du cœur
“ Ouvre ton
coeur ” , “ laisse
parler ton coeur ”, “ aies
ton cœur sur la main, si tu as bon coeur”, “dis ce que tu as sur le
cœur”, “choisis ce qui te tient à cœur”,
cette ordonnance doctrinale culpabilisante dictée par un “ maître
spirituel” laisse
pantois celui qui ne demande qu’à comprendre le sens de cette apparente évidence. Tout serait dit, et
cependant, rien n’est dit… comme si cela
allait de soi d‘ouvrir une
porte secrète sans y mettre une clé ! Pour en comprendre sa manifestation, il
semble nécessaire, au préalable de passer par l’expression de son langage, de
sa logique, et donc de ses implications conséquentes.
Pour un Taoïste,
le Cœur est l’Essentiel,
l’Existence
même, le fondamental, le fondement du mental.
Le “ su wen” faisant
autorité dans la médecine chinoise nous rappelle son essence.
Il est l’IDENTITE. Il est l’Unique, incomparable à tous les autres et
cependant très semblable. Tous ses gênes, ADN et empreintes digitales sont
uniques dans l‘espèce
humaine, inscrites dès la première impulsion électrique, qui va donner le tempo
régulier du battement pulsatif du sang. A vie et pour la vie dès les premiers
jours de la fécondation du spermatozoïde élu et de l’ovule choisi, cette Pré-science oh combien
subtile, et cependant puissante, in utéro, se nomme “ je suis énergie et je viens de loin, je vais
vers mon aboutissement”. Cette
conscience naît dès la première pulsion cardiaque, réalité non encore défrichée
par le scientifiques, aussi performants soient-ils. Le cœur du Cœur rassemble
dans sa molécule atomique, tous les types d’énergies
que l’on retrouve
dans l’univers,
dans une orchestration harmonieuse du yin et du yang, pour un devenir et un
potentiel incommensurable.
Initialement, il connaît la
forme, aboutie et limitée, du corps, dans tous les âges de son parcours
terrestre. Transport et véhicule d’une palette émotionnelle, de l’enthousiasme, à la
colère, en passant par la peur ou les anxiétés des manques jusqu’aux tristesses du non-accomplissement, le MAÎTRE
COEUR est le seul à en connaître le sens aigu et dense : la recherche de son absolu.
IL est L’Âme. Le cerveau et ses infinies connexions, comme tous les
autres composants du corps sont à son service, et non l‘inverse. Il reconnaît, d’une manière parfaite la
moindre petite cellule, que son sang a nourrit physiquement et spirituellement,
du moindre filament sanguin de l‘œil à la synergie des neurones en passant par
la sensibilité complexes des organes sexuels ou l‘alchimie du système digestif.
Il ordonne et délègue sa mission, sans en perdre le contrôle, à la rate, aux
poumons, aux reins et au foie, dont il ressent et enregistre chaque émotion
appropriée, pour parfaire son destin. Mais également, il les fait participer à
son enthousiasme dès qu’il en a l’occasion, dans un échange d’énergie, venant
de l’intérieur ou de l’extérieur. Cette humeur pourrait bien être l’attention
de sa tension, de son projet : garder le contact avec cette pertinence du
sourire, témoin d‘une joie indicible. Il identifie l’aorte et l’artère. Sans
aucun doute, il perçoit
la mesure de la démesure, le juste de l’injuste, il sent le faux du vrai, il a conscience
de l’attraction et de la répulsion, intrinsèquement, il maîtrise l’inspiration
et la pulsion de son élan vital, il comprend la confiance et la méfiance, il
compare l‘honnêteté de l‘imposture, il s‘approche de l‘humilité comme il fuit
l‘arrogance, il favorise le bon goût et ignore les mauvaises langues, il
manifeste son adhésion à la gentillesse et s’oppose aux invectives et
manifestations violentes, il chante sa liberté et désavoue toute aliénation. Il
respecte sa dignité et suspecte les faux honneurs, il sourit à l’humour et se
protège de l’ironie. C’est inné, il est par essence généreux et chaleureux et
recherche la chaleur humaine, qui le réchauffe à son tour, pour rayonner et se
donner. Il s’investit dans tout son corps, jusqu’au bout de son mandat céleste.
Il suit inlassablement son rythme et son tempo, du premier au dernier souffle.
L’affolement, la précipitation, la compétition lui sont donc contre nature.
Il contient intimement et
profondément en lui, l’origine
initiatique de toute intuition : son sentiment d’existence, sa connaissance de ce
pourquoi il est fait, sa conscience et sa volonté de la garder claire, sa forme de pensée, sa nourriture qui
lui convient. Il est donc le repère par excellence. C’est en ce
sens qu’il est le
maître, le SHEN SOUVERAIN. Son expression, son œuvre sera unique.
Tous les cœurs, du trop riche bourgeois parvenu, inondé sous ses biens,
au trop pauvre étranger, galérant dans une cité sans espoir, de l’enfant
émerveillé au vieillard désabusé, du handicapé au prisonnier, du politicien au
fou psychiatrique, de la femme ou de l’homme, tous sont composés sur le même
type cardiologique, et pourtant chacun est complètement unique, original, et
différent. Il est à ce point spécifique, qu’il sait et reconnaît instantanément, intuitivement, et
radicalement ce qui est de lui, de ce qui ne l’est pas. Physiquement ou
psychologiquement, chaque intrusion virale ou verbale mobilise son armée de globules blancs et de système de défense pour
anéantir et rejeter cette agression de son identité, qu‘il cajole
dans son intimité. À l’image du
phénomène de rejet d’un cœur
transplanté, dont les cardiologues tentent de masquer l‘origine, avec artifices et dégâts collatéraux pour
faire croire à l’identique,
le cœur sait ce qui est vraiment de lui. Profondément fidèle à lui-même, il peut dire “ ce n’est
pas moi çà, l’étiquette
que vous voulez me faire porter ne m’appartient
pas, je ne me reconnais pas. ”
Désorienté de sa trajectoire épanouissante, scolaire, professionnelle,
relationnelle, il fera entendre son désaccord par différents malaises, maladies
ou autres tachicardies. Son sang et ses flux d’énergies ne peuvent aller, ni à contre sens, ni à
contre cœur, ni contre nature.
Quelques
soient les contraintes, les pressions ou obligations de toutes sortes,
familiales ou culturelles, il connaît sa signature, il se reconnaît lui-même et
saura se sauvegarder, même dans un profond secret inviolable, inaliénable. Il
est fondamentalement libre, responsable et solidaire. Redoutable confiance en
lui, sur lequel chaque thérapeute pourrait bien s’appuyer, pour que chacun retrouve ses marques très
personnelles. Le système de défense est là pour
protéger le coeur. Il est donc absurde de vouloir casser la cuirasse
immunitaire, par une pseudo cathartique émotionnelle en gueulant sa colère, en
invoquant des résistances qui n‘auraient
pas lieu d‘être, ce
qui a pour effet de blesser le cœur une fois de plus. Pouvoir absurde
ab-errant, qui ne le détruira pas cependant. Pour un taoïste le cœur est l’Authentique, égal à lui-même, mais il ne s’agit pas, pour être authentique, d’une évacuation insensée de sa poubelle
émotionnelle.
Réceptacle de
toutes les sensibilités, il se serre ou se dilate selon les émotions. Dans sa
vacuité, il s’apparente au
vide apparent pour se remplir de qualités yin supérieures, dont la femme, plus
que l’homme,
pourrait en être la gardienne privilégiée. Pour rejoindre le divin, qui ne peut se transférer sur un autre être
éthéré, extérieur à lui, pour être au plus prêt de sa plénitude, pour célébrer
l’essentiel de
sa magnificence, le cœur a besoin de fêter la Beauté, la Justice, la Bonté, l‘Intime et la
Fluidité des paroles et des événements, fonctions vibratoires qui lui parlent,
l’émeuvent, et
le portent. Paramètres irrémédiablement indispensables pour qu’il se livre
en toute confiance, faute de quoi il se ferme. Le sourire intérieur témoigne de
la juste et adéquate connexion entre sa
densité intérieure et l’événement
extérieur. Alors, un hymne à la joie peut résonner. Tous les pouls seront
harmonisés. La musique mélodieuse, le chant, et singulièrement le chant des
chœurs, unifient ces valeurs. Les frissons agréables et les larmes de joie
reflètent en écho l’énergie et le
bien-être de notre organe majeur, ainsi assimilé à un instant de bonheur. L’art de manier
les mélodies, en un flagrant contraste à une situation violente, pour apaiser
les pulsions destructrices et les transformer est, sans doute, l’apanage des
vrais gardiens de la paix. L’art et la poésie transcende et sublime, par extension, la compassion et
le regard que le cœur se porte à lui-même, et le nourrit en retour.
Pour répondre à ces besoins trois
conditions doivent être remplies, d’une manière cohérente : LE CALME,
L’EXPRESSION, LA RECONNAISSANCE.
LE CALME des gestes et du souffle (internes
et externes) vont influencer le bon sens des fluides, et en cascade celui des
émotions. L’état de vacuité, presque
silencieux, en dehors du tumulte des passions, va laisser place à la gentillesse, à la joie et au sourire aux
valeurs artistiques et symboliques, signes d‘une humanité, rejoignant une
certaine universalité.
L’EXPRESSION
confortable de son intelligence, synthèse de ses concepts, traduit qui il est,
son ciel en quelque sorte. Cette intelligence du cœur est indissociablement
liée à l’énergie sexuelle. Organe de feu il recherche l’eau. Il se nourrit de
sa complétude. Les parfums de sensualité et multiples orgasmes éphémères le
comblent par ses hormones ainsi mises en mouvement, dans la quête de son extase
qu’il voudrait absolu éternel. Il est sa propre terre. Sa dimension
émotionnelle valorise sa capacité vibratoire de connaissance. En validant ce
qui le touche et en acceptant d’être ému, il conduit et affine un mouvement
vers son identité et vers l’autre, son miroir du moment, sans lequel il
n’existe pas. Réajustement continuel vers son centre.
Le besoin
d’une RECONNAISSANCE est sa réalité paradoxale.
Il veut à la fois être indépendant et a besoin de s’entendre dire qu’il
existe en tant que tel. Il doit oser se montrer pour être reconnu et c’est quand il
se montre qu’il est le
plus vulnérable. Volonté et nécessité d’exposer son originalité, par don se
soi, sans être compressé, limé, laminé par les rapports sociaux normatifs et
violents. Menacé par sa propre plénitude, mise à nue. On peut donc
raisonnablement penser que le préalable de l‘authenticité est l‘acceptation
de cette vulnérabilité. Logiquement le cœur, se sachant ainsi troublé par sa
propre fragilité, se tourne vers ses intimes connaissances, (sa famille, ses
proches, ou un être privilégié), pour se garantir une écoute bienveillante.
Malheureusement faute d’un diplôme de
“ parentitude ”, le sentiment de rejet, d’incompréhension préparent de
nombreux exclus. Il a besoin de ses racines pour se mettre en mouvement dans
son devenir, il a besoin de se tourner vers ses ancêtres pour l’éclosion de son
propre héritage à transmettre.
On peut
donc légitimement se poser la question qui de l’intérieur ou de l’extérieur, de l’écoutant ou de l’écouté, de l’individu ou du social, qui du vent ou du souffle
fera en sorte de créer les conditions pour une communication, de cœur à cœur,
sur la même longueur d’onde ? À
l’image du cœur connaissant ses besoins et conditions d‘expression, souhaitons
que chaque responsable de communauté puisse fonctionner avec le même soucis de
souveraineté.
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