mercredi 30 janvier 2019

De la Cause Première


De La Cause première



Quand un incendie se déclare, les pompiers neutralisent ou le support inflammable, ou l’oxygène et veillent à ce qu’aucune braise incandescente même souterraine, ne puisse se raviver pour enfin déterminer d’où est parti le feu et ce qui l’a provoqué. Ils transmettent ensuite leur questionnement à la gendarmerie pour la recherche de l’incendiaire, pour la déléguée encore à d’autres experts qui tenteront de comprendre la problématique de l’intention de ce dernier. La succession  de contingences et conditionnements divers aboutissent à un effet  catastrophique.

L’acupuncteur ou le thérapeute Taoïste mobilise son humble prétention pour comprendre la souffrance ou le conflit énergétique et émotionnel, circonscrire le mal à sa racine et ainsi transformer la Cause première du cercle vicieux de la souffrance, des cascades des maux en tout genre, des perturbations de l’harmonie, en un puissant cercle vertueux. Redonner le potentiel, la dynamique, le flux du courant de l’Élan vital, réintroduire la force de la Cause première, l’initiation de la fusion du Yin et du Yang vers son réel ultime, respecter l’expression de la forme de cette vitalité qui reste mystérieuse, individuelle, personnelle, tel pourrait être son programme et son attitude. Nous pouvons émettre quelques hypothèses sur les raisons de ces fractures.

Cascade  des causes

La moindre analyse d’un événement désastreux : maladie, dysfonctionnement relationnel, crises sociales, excès d’une violence, accidents routiers  nous plonge dans un conglomérat de causes  aux effets pervers. Qui…de l’alcool ou des violences conjugales, du manque d’argent, des atermoiements et méandres judiciaires, d’interventions abusives et intrusives d’une « assistance sociale », d’un conflit de voisinage, d’une fermeture d’usine, des non-réponses à de multiples CV, d’une inadaptation de la scolarité à son enfant, d’un dérapage de la santé à la suite d’un traumatisme…qui a pu causer la déchéance personnelle, familiale, sociale, d’un individu ? L’approche de la cause initiale du mal, nécessite effort, ténacité et accompagnement. Autant que faire se peut,  elle se fera au plus prêt de la raison qui l’a enkysté, sans oublié que « des cendres mal éteintes peuvent couver ». D’où un temps nécessaire pour en vérifier la bonne résolution. On peut faire confiance à la personne qui parle de son mal être, l’expérience d’une sorte de certitude intérieure de contacter la raison juste, lui donne un sentiment d’apaisement, loin des tumultes émotionnels.

 Certaines thérapies voudraient remonter avec violences, jusqu'aux calendes grecques, faux souvenirs d'enfance ou vies antérieures, dont on ne sait d'ailleurs, pourquoi  l'investigation s'arrêterait à cet événement ou date plutôt qu'un autre, sous prétexte que le « thérapeute » en aurait décidé ainsi.
L'approche Taoïste fondamentalement non-violente, n'empêche pas la remontée de souvenirs authentiques ou rêves pour en donner sens, elle va même utiliser le potentiel en énergie mentale qui les soutend, pour les transformer en action correspondant plus spécifiquement à l'élan vital. Elle ne casse pas l'immunité physique ou psychique pour être en contact avec ce qui semble être, en ce moment, la cause d'une souffrance. Sa référence est celle de l'énergie, du Chi, qui cherche son espace et sa forme d'expression. Il l'accompagne en la posant, en la réajustant le plus harmonieusement possible, avec précaution, pour  montrer au patient, vers quoi  peut tendre l'organisation, la construction patiente de son projet de vie, énergie toujours en mouvement et  transformation.


Rupture  du lien  d’unité  des  trois  trésors
La perte du lien avec son Essence initiale, celle du cœur, le shen, l'identité serait sans doute la première cause des pathologies, des cascades d'errements ou maladies, dysfonctionnements affectifs,  émotionnels, physiques ou relationnels et par voie de conséquence sociaux. Or cette « morpho-logie » de cette Essence identitaire se nourrit de reconnaissance, de limites et d'ouvertures (attente plus tournée vers le père) et de tendresse, sécurité, de poésie du cœur (attente plus espérée en provenance de la mère) les deux parents pouvant se partager respectivement ces rôles. C'est donc par ce double constat : l' attente et le vide d'énergie du cœur, que la souffrance s'installe. Elle prend  la place de la créativité. Loin de vouloir rester sur la nostalgie de l'enfant en manque, l'adulte reconnaîtra son  besoin comme une nécessité vitale et se donnera les moyens de cette nourriture pour faire vivre son savoir et son savoir-être.

La perte de la terre, de ses racines, de ce qui constitue ses ressources, le Jing, langue d'origine, culture, force d'action, la perte de ses repères, des savoir-faire seraient la deuxième cause des traumatismes se déguisant en poupées russes. La tension créatrice et l'acceptation de son émergence, par des méthodes artistiques non jugeantes et cependant encadrées, redonne à la source de vie la capacité de retrouver le sens de sa rivière. La nécessité de se manifester devient une évidence. Si cette évidence est niée, si elle n'est pas entendue, soutenue, reconnue cette énergie se retourne contre elle-même (suicide, auto-mutilation sous différentes formes)

La perte du souffle, perte du lien entre le Shen et le Jing, perte du lien entre la terre et le ciel, entre le savoir et le savoir-faire, entre le dire et le vécu, entre la conscience et l'action, entre spiritualité et sexualité serait la troisième termitière qui pourrait détruire l'édifice. C'est le souffle qui va permettre les prises de conscience, entre les allers et retours, les montées et les descentes, l'intime et le social. L'expression verbale, l'expression créatrice, émotionnelle, sociale ne peut avoir d'existence sans le souffle. Il est donc capital de s'occuper de ce capital. La respiration est le socle du maintient de la santé et de sa restauration, Elle nourrit à la fois le grenier du cerveau et le plancher périnéal, malheureusement dans notre civilisation dite moderne, elle est trop souvent rangée comme insignifiante dans le local des oubliettes. Mais là aussi, la délicatesse dans son apprentissage et dans son exercice sont de mise. L'hyper-ventilation violente, provocant des tétanies, proposée par certaines thérapies, n'est pas nécessaire pour une transformation. On n'allume pas un foyer avec un lance flamme et on ne l'entretient pas à coup de ventilateur. On ne demande pas à un petit enfant de respirer comme un guerrier. Les efforts constants d'exercices de respiration ne peuvent être que progressifs. Il en est de même pour l'éveil de la conscience et le respect de la santé. Le potentiel concentré, une fois libéré, se développe en son temps et en son moment. On ne peut le forcer. La respiration calme entraîne le calme mental, la respiration dense invite à la profondeur de la pensée, la respiration ample sollicite la dilatation de la liberté, la respiration subtile enrichit la délicatesse.

La perte de l'unité du Yin et du Yang,  de l'unité des trois trésors, de l'unité des cinq organes et de leurs méridiens, la perte du contact avec l’élan vital, cette perte serait donc l'instigatrice des méfaits en cascade. Mais le tableau serait incomplet si l'on ne tenait pas compte de la fluidité de l'énergie, comme celle de la rivière. Le blocage du courant sanguin, lymphatique sont bien connus, le blocage du courant  énergétique, un peu moins. Il est signifiant dans la non-fluidité de la parole, entre les intentions et le verbe, entre ce qui est à dire et ce qui est effectivement dit, entre ce qui est dit et ce qui est entendu, entre l'intrusion et la liberté de parole, la plupart des malentendus, voire des conflits sont issus de ces retenues ou débits de paroles non-fluides. La parole coupée, déformée, les silences qui a eux seuls peuvent être un langage ou les espaces saccadés, la parole colérique ou inquiète, dialogue de sourd, en sont des exemples. Dans ce domaine également le souffle, la respiration retrouve sa fonction de lien. La fluidité de la parole pourrait avoir la même incidence dans tous les actes : critère d'un questionnement, d'un passage à l'acte ou de la résolution d'une affaire, complicité relationnelle, c'est plus facile quand « ça » coule tout seul.


Le livre  scolaire  frelaté

Dans notre période de « modernité » où tous les moyens d'informations sont mis à notre disposition, où la « foultitude » de diplômes laissent supposer la magnificence de l'intelligence, on pourrait penser à une résolution facile des conflits de par la connaissance des causes ! Apparemment cela ne suffit pas. Cela semble être un des paradoxes de notre époque, la sectorisation des savoirs, aussi pointus soient-ils, n'aboutit pas à la prise en considération de l'unité et de  l'essentiel de l'humain. Un manque de connaissance et d'apprentissage des bases semble faire défaut, d'où aussi le courant actuel des rappels de simples leçons de vie,  d'entretien de la santé, dans les différentes revues.

Croire ou faire croire qu'adhérer à des concepts erronés, comme des postulats indiscutables et irréfutables seulement au nom de la modernité relèvent de la méprise intellectuelle. La base de données est falsifiée. Poser, comme à priori, que les contraintes productivistes, défendues par des responsables se référant à des scientifiques, passeraient avant la réalisation de soi est une de ces constructions mentales fondées sur des sables mouvants. Il en découle des situations contradictoires et perverses, des sources de tensions inutiles : pour travailler, il faudrait avoir de l'expérience, mais pour avoir de l'expérience il faudrait avoir travailler ; plus il y a de retard pour le financement d'une dette  plus les intérêts augmentent, mais s'il y a un endettement c'est sans doute que l'argent manque ; une formation déboucherait forcément sur un poste de travail à plein temps, mais la sélection et la compétitivité, conçues comme la norme, ridiculise cette manière de voir ; la loi du travail passerait nécessairement par la soumission d'un employé au dictat de son directeur, il s'agirait de liberté d'entreprendre mais pas d'esclavage ! La  rigueur intellectuelle, demanderait que les argumentations d'un penseur ayant pu donner naissance à une  forme de vie sociale à un moment donné, soient abandonnées, quand elles deviennent aliénation. L'adaptation, forme de sagesse de l'évolution face à la transformation des choses,  doit rester dans le discernement, l'obstination dans l'erreur cristallise une cause de conflit interne avec des répercussions externes. C'est méconnaître la force de l'esprit créateur. Il revendique son espace d'évolution, de logique, de personnalisation. Il donne sa confiance intuitivement à ce qu'il croit foncièrement bon. Le corps social doit se mettre au diapason  de la cohérence et de la logique du corps humain dans toute sa dimension et non l'inverse, son modèle  reste incontournable.

Le bon driver  n'est pas introduit  dans l'ordinateur

La méconnaissance du corps dans ses principes de régularités, de fonctionnalités, d'organisation complexe et mystérieuse, amène à des dysfonctionnements irréversibles. L’apprentissage de la compétition (pour être le plus fort, le plus riche, le plus violent  compétitif) est un non sens corporel, vu par un taoïste. Tous les sports de compétitions sont l'apanage de l'école !  Cet argument  incontesté par des pédagogues que l’on serait à même de considérer comme intelligents, fait preuve d’un non sens intellectuel. Pourquoi malmener le cœur, tabernacle de l'identité, dans des courses effrénées sous prétexte de devenir endurant ? Pourquoi l'éducation nationale scolaire n'intègre dans ses programmes, la culture de l'apprentissage systématique de toutes les techniques du souffle qui apporte le calme mental et la concentration, vivacité d'esprit, la fluidité relationnelle ? La maîtrise de la diététique, du jardinage pourrait bien donner des leçons et des éléments de base aux autres matières, et quelques ressources aux plus démunis. Apprendre comment respirer, manger, dormir, se défendre, se ressourcer, respecter son rythme, gérer la fluidité de sa parole et du dialogue, écouter l'autre, gérer ses émotions, dynamiser sa créativité sans jugement, respecter son corps, semble être vraiment des sujets trop compliqués !!. Quand le brevet des écoles procurera l’évaluation de  l’apprentissage de ces fondamentaux sacrés? Pas le temps de s'occuper de ces « annexes secondaires » les ingénieux de demain doivent avant tout savoir  jouer des coudes, faire des études de marché, produire, combattre, se bagarrer, innover pour vendre, être compétitifs, vu la « guerre » économique mondiale ! On connaît les résultantes d'exclusions, d’éliminations, de désintégration, d'éclatements sociaux, de gâchis de ces « principes ». Les choses sont donc mal ordonnées et ordonnancées.

Logiciels  incompatibles

Toutes les prisons sont remplies de gens qui ont commis des méfaits plus ou moins graves ; dans grand nombre de cas, l'origine de ces troubles est à rechercher dans les carences affectives ou des confusions d'esprits. Les violences conjugales ne se sont jamais autant manifestées ou dévoilées que maintenant, et elles ne vont pas toutes jusqu'aux tribunaux, qui en sont débordés. La majorité des conflits dans un couple proviennent de sujets récurrents : l'argent et ses priorités, la répartition du temps et des taches ménagères, l'espace nécessaire à chacun, la conception de la sexualité dans son accomplissement ou sa frustration, les valeurs éducatives, l'absence de créativité, la gestion des émotions, la gestion de l' énergie, la réalité du dialogue, les soucis de santé, la gestion des héritages. Mais « on n'a pas appris ». L'école des parents n'a pas eu lieu. Les règles du jeu sont alors faussées. On se retrouve avec des logiciels incompatibles.

Lors du mariage, il y a déjà une confusion de deux types de contrat, le contrat amoureux et le contrat civil de solidarité, et dans aucun des deux il n'est donné le mode d'emploi dans la boîte-cadeau qu'offre le maire ou les amis du couple. D'autre part, dans la vie courante, avec la non-chalance, la norme sociale et peut être un certain manque de courage, le contrat de solidarité prend la primeur sur le contrat amoureux. De plus il ne fonctionne pas dans le temps de la même manière. Le conflit économique dans le couple détruit le sentiment amoureux. La rate prend le pouvoir alors qu'il revient au cœur. Et en général quand il y contrat, les règles peuvent être assez précises, ce qui permet d'éviter les embrouilles, or là dans ces deux cas de figures, la délimitation de ces  contrats sont plutôt floues. Un contrat obscur à de grandes chances d’aboutir au conflit, la base, la cause, ne peut être solide. La clef de l'apprentissage de la vie de couple ou famille serait plutôt du genre « école de la débrouille et de la dépatouille » avec toutes les dérives dont on peut être témoin.

On peut apprendre à skier, on peut apprendre à devenir soldat pour devenir une bête de guerre, on peut apprendre le permis de conduire, ou à devenir un bon mécano, un homme de maintenance, une technicienne hors paire en informatique etc...on apprend même à devenir alcoolique ou drogué mais on n'apprend pas l'essentiel. On n'apprend pas les composantes de l' homme ou de la  femme. On n'apprend pas ce que recouvre la paternité ou la maternité, ni ce que suppose la vie de couple ou de parents. On n'apprend pas la place de l'enfant et les attitudes qu'ils conviendraient d'adopter, d'où les nombreux cas de maltraitances d'excès d'autoritarisme ou d'enfants qui, bon an mal an, portent leurs parents. On n'apprend pas le langage de la tendresse et de la sensualité, seul garant de la créativité, de la sécurité intérieure et de la spiritualité. On apprend pas à gérer les émotions et à se familiariser avec l'énergie du plaisir sexuel dans sa complexité relationnelle, émotionnelle et physiologique, force tellement puissante qu'elle peut faire peur ou déclencher des phénomènes énergétiques destructeurs. Et ce n'est pas une fois en situation que l'on devrait apprendre, mais bien avant. Évidences tellement banalisées qu’elles ne sont pas appliquées ou reléguées à des ponctualités de secondes zones ou très anecdotiques. Par contre la société se charge bien de vous culpabiliser ou de vous faire payer tous les manquements comme si être père, mère, homme, femme, couple allait de soi  en se référant à des modèles... perdus d'avance. Il paraîtrait plus important de savoir comment s’endetter à vie en achetant une maison et en ne travaillant que pour payer des intérêts bancaires. L’essentiel devient une quantité vraiment négligeable au bénéfice d’un secondaire plus que douteux. On ne peut à la fois créer la peur en une personne ou un peuple et  lui demander d'avoir confiance en lui. On ne peut créer des situations de violence et solliciter le calme de la tranquillité. On ne peut à la fois considérer le corps comme abjecte et  s'offusquer qu'il soit dégrader, en chercher sa noblesse tout en créant les conditions de son avilissement. La violence ou la tendresse ? Deux logiciels décidément inconciliables. On peut espérer une école nationale au service de la vie et non une école au service d'un produit aussi performant soit-il. Mais pour lutter contre des habitudes, il faut remuer ciel et terre  pour que la cause soit entendue, pour désamorcer la tension, pour trouver le milieux juste.

Serge Blanchard

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